Love book

love song«  Je la désirais toujours autant, je n’y pouvais rien. Je pouvais juste tenter de le cacher, de le nier de toutes mes forces, en appeler à ma dignité, à mon sens de l’amour-propre, mais je ne pouvais jurer de rien. Je ne savais pas si elle se rendait compte de l’extrême attraction qu’elle exerçait sur moi. J’avais longtemps cru que l’amour en était responsable, et aujourd’hui il n’y avait plus guère d’amour, mais je la désirais toujours autant.

« Ne complique pas les choses, dit-elle. Ce n’est vraiment pas le moment. »

Je la regardais en allumant une cigarette. A travers la flamme de mon briquet. »

C’est toujours pareil. La neige est douce et cotonneuse, l’été chaud et moite, l’automne rouge et orange. Le lac, la forêt sont là au fil des saisons pour en témoigner.

Vous connaissez le concept : au sein de d’une atmosphère toujours extrême, un homme galère. Il est maintenant d’âge mur et les acides sont loin, remplacés par de nouvelles pilules beaucoup plus utiles pour passer la nuit avec sa femme.

Qu’est-ce qui pourrait être différent ? A force, vous connaissez le principe. Les femmes sont folles, incompréhensibles, les hommes n’arrivent pas à contenir leur désir pour elles, en sont les victimes.

Cette fois, il n’écrit pas de livres, ne connait plus la page blanche. Il écrit des chansons, a été une star, l’est encore plus au moins, fait des concerts. Sa femme, elle revient. Après quelques mois d’absence. Elle s’était enfuie chez un de ses musiciens. Et elle est enceinte.

Alors qu’ils n’ont jamais réussi à avoir d’enfant.

En même temps, il semblerait que tout soit que sa faute à lui, et qu’elle le lui fasse payer au centuple depuis des années. Il n’avait qu’à pas la tromper, même une fois. C’était la fois de trop.

Alors comment on fait ? On hausse les épaules, on se ressert un verre de gin, on emmène ses amis en cure de désintoxication, on fait soi-même un tour en hôpital psychiatrique. Il semblerait que la vie ne soit jamais, en fin de compte, une partie de plaisir. Les difficultés s’enchainent, les relations amicales cachent de lourds secrets, des lâchetés et jalousies sans doute. L’amour, c’est encore pire. Notre protagoniste, Daniel, semble se débattre dans cette vie sans pouvoir réussir à en devenir le maitre, tout dépassé qu’il est, et encore étonné, à plus de cinquante, de ce cirque permanent qui s’agite autour de lui.

La recette de Philippe Djian, depuis 37.2 le matin, on la connait.

Ce dernier roman à peine sorti, je n’ai eu aucun besoin d’en lire le résumé pour me décider. A chaque fois, je retrouve ce même univers emprunt de folie, de stupéfaction, de tendresse, de quête d’une paix apparemment impossible… Je n’ai ni l’âge, ni la vie de Philippe Djian, et pourtant je me retrouve dans ces accès de folie, ces difficultés à vivre, qui, si elles ne sont pas universelles, parlent en tout cas à la majeure partie d’entre nous au moins à un moment de notre vie.

On pourrait croire que le meilleur Djian est derrière lui, depuis le fabuleux 37.2. Pourtant, depuis ses livres que sont qu’une reprise de cette histoire, avec des dissonances, des variations, pour atteindre quelque chose de global. Il faudrait tous les oublier et se dire : « Qu’est-ce que Djian veut raconter, en fin de compte ? ». C’est ça. Ce truc là.

A quand le Goncourt ? A quand cette consécration tant méritée pour un monde qu’il a crée, quand d’autres le reçoivent on ne sait grâce à quelles manigances et qui ne servent aux clients de ma librairie qu’à se battre.

Il est temps de se resservir un verre.

«  J’ai fait courir le bruit que mon séjour à la clinique était dû à l’effroyable attaque dont j’avais été la victime, mais j’y ai surtout soigné ma dépression, je me suis installé devant la fenêtre et j’ai regardé le soleil se coucher, mourir, et puis renaitre. Chaque soir. Chaque matin. Je mettais mon réveil à sonner. C’était comme une cérémonie. Ca m’a fait beaucoup de bien. La discipline, c’est ce qu’il y a de mieux pour combattre la dépression. Chaque soir un frisson d’effroi. Chaque matin, la secousse de nouvelles forces. Assis sur la même chaise. Assis sur la même pierre. Se vider. Se remplir. »

 

Titre : Love Song

Auteur : Philippe Djian

Editeur : Gallimard

ISBN : 978 2070 122158

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