Écoute prolongée : L’album oublié (!) de Marvin Gaye, « You’re The Man ».

Il y a quelques mois déjà, de façon surprenante, apparaissait un album inédit de Marvin et, pour moi, c’était comme si Noël et mon anniversaire tombaient ce jour là. Je l’écoute régulièrement depuis sa sortie, voici ce que j’en pense – entre autres.

« You’re the Man » est un disque de transition, où Marvin était perdu, émotionnellement et professionnellement. Il a atteint de sommets de gloire avec son album précédent, « What’s going on? », première galette musicale conceptuelle politique, écologique et sociale d’un Afro-américain, mélangeant délicieusement RNB et textes engagés.


Marvin joyeux

Marvin s’ennuie un peu et est resté à Détroit, contrairement à la grosse majorité de la Motown qui est déjà à LA. Il déprime, car il pense que sa carrière ne peut que décliner. Et consommer la moitié de la production de la cocaïne et de l’herbe colombienne ne l’aide pas beaucoup à retrouver une certaine stabilité mentale. Il est comme ça Marvin, toujours sur la brèche, jamais vraiment net. La faute à un à un père pasteur qui aimait se travestir en femme et qui le battait avec sa ceinture… Mais je diverge, ceci étant une autre histoire.

Marvin Gaye toujours aussi red def

Entre temps, Marvin s’essaie à la musique de Film avec « Trouble Man », qui est meilleur que Shaft, pour moi (team Tamla). Un succès commercial et critique.

Il retourne aussi aux duos avec Diana Ross et ce pour le fric. En foutant le bordel dans les studios et en emmerdant tellement Diana que les prises voix sont faites séparées finalement. Un échec, le son n’est pas mauvais, mais la soul n’y est pas.

Marvin Gaye mais pas trop

Il se demande alors ce qu’il va faire, car un album doit être livré et que maintenant, Gaye se prend pour un pasteur politisé ou un politique pasteurisé. Fini les ballades romantiques et les duos. Il va devenir le Martin Luther King de la Soul Music.

C’est alors que naît le projet You’re The Man, un single qui s’invite dans le débat de l’élection présidentielle des US. Nous savons tous à quel point ce genre d’œuvre engagée est pertinente dans le débat politique (j’adore pas trop Saez). Et malgré cela, le single atteint le top ten RNB, un succès d’estime, mais un véritable échec après les hits précédents, dans le top ten pop (populaire chez les « whiteys », le marché de masse).

Après ça, tu fais difficilement à nouveau un concept album politique… Finalement ce disque est une « œuvre » sympathique et intéressante, si ce n’est intéressée, car ce disque est plutôt la compil’ des meilleurs singles enregistrés de Marv’ en 1972. On avait rien sorti de lui en Double album sur cette année et Universal a corrigé habilement le tir.

Habilement, car il représente l’état d’esprit de Gaye. Sur la moitié des 17 titres vous aurez du politique et social. Et sur l’autre moitié, vous vous enivrer de passion et d’amour.

Pornstar Marvin actifist

Musicalement riche en termes de styles. Passant du RNB le plus charnel au Gospel le plus pieux, ce disque reflète les incertitudes et tâtonnements de l’artiste. Celui-ci finira finalement par célébrer l’amour et le sexe. Parce que c’était plus vendeur et égotiste… Et parce qu’il avait rencontré, grâce à son producteur, Janis Hunter en plein studio, la deuxième femme de sa vie, qui n’avait que 16 ans. Accompagnée de sa mère. Qui favorisa la relation amoureuse. Marvin était marié et avait 33 ans. Les années 70 étaient vraiment un sacrée époque, heureusement les choses sont bien différentes aujourd’hui.

Mon titre préféré, celui qui est le plus juste dans sa métaphore et le plus libidineux est « The World is be rated X », je vous le conseille et vous le présente. Le son est funky, gras, vicieux, comme un film X, mais avec classe et style. La voix de Marvin, à cette époque, est merveilleuse : le multipiste sur ses différentes voix, montre l’ampleur de sa tessiture. La technique d’enregistrement souligne la richesse de la voix de Gaye.

Après vous pouvez jeter un coup d’œil sur « You’re The Man », politique et angoissé, inquisiteur… Et revendicatif. Moins engagé aussi bien personnellement qu’universellement que le titre « What’s going on? », mais sympa quand même. J’aime ce groove pressé et ces questionnements candides.

Enfin vous avez « Pièce of Clay », un gospel riche et fabuleux qui parle d’âme sœur, d’être qui vous complète. Pour des moments d’intenses câlins sous le regard bienveillant de notre seigneur (Marvin était un chrétien sectariste).

Les amateurs éclairés y trouveront des titres qu’ils ont déjà entendu par le passé dans d’autres disques de Marvin. Mais un mix différent et une version rééditée par là et ils seront convaincus qu’il mérite bien sa place dans leur logiciel de streaming.

Inspiré, il ne regarde même plus ses mains pour jouer. Chapeau bas (désolé pour la calvitie, Marv’).

Les novices préféreront écouter les disques majeurs de Gaye avant de passer à celui-ci qui finalement n’en est pas vraiment un. En même temps, n’importe quel disque de Marvin fusille les productions actuelles. Alors, pourquoi ne pas l’écouter?

À plus tard, pour plus de musique. Bisous les Bukowskiens!

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