Megan Ellison, patronne d’Annapurna Interactive / Pour l’amour du jeu

Fille d’un milliardaire, Megan aurait pu se la couler douce. Au contraire, elle a choisi de tout miser sur des œuvres audiovisuelles originales.

Megan Ellison grandit en Californie, puis entame des études de cinéma qu’elle quittera abruptement, tout comme son frère. Les frangins trouveront tout de même le chemin des plateaux, mais là où Megan détonne, c’est qu’elle ne suit pas vraiment la voie des blockbusters. Encouragée par l’esprit entrepreneur (et l’argent) de son papa patron des logiciels Oracle, la jeune productrice se lance dans l’aventure du western revisité par les frères Coen avec True Grit en 2010.

Difficile d’imaginer ensuite trajectoire plus fulgurante : en 2012, elle est en Inde pour le Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow et accompagne Paul Thomas Anderson sur The Master. En 2013, elle produit Wong Kar Wai (The Grandmaster), Harmony Korine (Spring Breakers), David O’Russell (American Bluff), ainsi que Spike Jonze (Her) qui la remercie sur la scène des Oscars : « elle est très timide », dit-il.

Sa boîte de production, elle l’a nommé Annapurna, en souvenir d’un trek de plusieurs semaines sur le massif népalais. Comme un havre pour les cinéastes, elle vient soutenir ce qu’Hollywood a délaissé : le film d’auteur à gros budget. Après ce début en fanfare, la fin de la décennie 2010 s’avère hélas plus difficile avec plusieurs échecs au box-office et une attitude sans langue de bois qui doit lui jouer des tours dans la mafia hollywoodienne. En témoigne ses récentes accusations d’abus racistes et sexistes contre le producteur oscarisé Scott Rudin. Le seul film actuellement prévu chez Annapurna Pictures est une adaptation de She Said, un livre de témoignages contre Harvey Weinstein.

Sentant peut-être le vent tourner, Megan Ellison s’était diversifiée et avait lancé en 2016 Annapurna Interactive : une division « jeux vidéo » offrant des expériences « personnelles, émouvantes et originales ». Là aussi, le succès s’avéra fulgurant et semble cette fois perdurer avec des œuvres aussi marquantes que What Remains of Edith Finch, Gorogoa, Kentuck Route Zero, … Des jeux où chacun peut puiser et se nourrir émotionnellement. Ce n’est pas un hasard si Annapurna a aidé à porter le fameux Journey sur PC en 2019, puis sur Steam l’an dernier : ce jeu est un voyage aux confins de la méditation et n’a laissé personne indifférent.

Avec Telling Lies, on mène une enquête devant un véritable écran d’ordinateur : des heures d’enregistrement à visionner, scruter, fouiller pour démêler le vrai du faux. Disponible même sur Switch, l’expérience créée par Sam Barlow est dans la lignée de son précédent opus Her Story et vaut vraiment le détour.

Ce qui distingue les productions Annapurna du tout-venant vidéoludique, c’est cette vivacité, cette fraîcheur qui manquent parfois aux gros titres. Cette année, avec Twelve Minutes et son casting vocal quatre étoiles (James McAvoy, Daisy Ridley, Willem Dafoe), on atteint une sorte de mariage idéal entre le 7e et le 10e art. Pour la première fois également, Annapurna vient de streamer un showcase alléchant de ses prochaines productions. Megan réussira-t-elle avec le jeu vidéo ce qu’elle n’a pu (encore) accomplir au cinéma ?

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