Si j’avais pensé il y a trois ans me retrouver dans cet état, à moitié nue, les frissons qui parcourent le long de mon dos, et des sueurs froides dévalant mes tempes jusqu’à ma nuque, j’y aurais peut-être réfléchi plus longtemps.

Combien de fois j’ai regretté ces moments de faiblesse où je me sentais pourtant la plus forte, combien des fois ces moments-là m’ont rabaissée à devenir mon propre fantôme, en position fœtale, dans un lit emprunt de transpiration et entre quatre murs qui ne sont plus ma chambre mais ma prison.

Combien d’écrits de Thompson ou de Burroughs ai-je eu besoin de lire pour me sentir confortée dans l’idée que je n’étais pas seule, à s’inventer des icônes que je ne définissais que par leur consommation, que je pouvais continuer. Combien de nuits sans fin ai-je passées souffrante, à m’en mordre l’intérieur des joues et à enfoncer mes ongles dans le creux de mon coude, tout en étant persuadée que je pouvais vivre en cachant mes démons tous les jours. Combien de nuits sans sommeil  à rêver au Prince charmant, à regarder des images animées, à vivre dans un monde qui n’est plus le mien.

Combien de larmes ai-je voulues pleurer sans le pouvoir car le corps est asséché et ne fonctionne plus comme on l’a toujours connu. Combien de fois ai-je essuyé mon front et épongé mes mains parce ma température ne savait plus comment se réguler. Combien de peau ai-je enlevé à force de me gratter jusqu’au sang, et de continuer encore et encore, comme si j’allais trouver un trésor sous cette montagne de cellules mortes. Et pourtant ton corps devient comme ton esprit, avec le temps: fade, sec, sans espoir.

Combien d’amis ai-je mis dans des situations compliquées, ceux qui ne m’avaient pas tourné le dos, ceux qui étaient restés malgré mes retards, mes absences, mes pochons, le manque, la souffrance, les discours sans aucun sens, l’incohérence de ma propre personne. Combien de discours, de débats, d’échanges et de sermons ai-je entendus au cours de ces trois dernières années, tenus par des gens qui eux me tiennent du bout des doigts. Combien de fois ont-il cru qu’ils m’avaient perdue, combien de fois ma main a-t-elle glissé de la leur ?

Comment mesurer tous les regrets que j’ai aujourd’hui, à regarder l’homme que j’aime dans les yeux et à ne pas pouvoir lui dire quand j’irai mieux, à lui parler avec des mots qui le rassurent en le blessant juste après, à être alternativement celle qu’il aime et sa pire ennemie. Combien de temps peut-on tenir, à faire des projets grandioses et à avoir envie de crever juste après, à danser sur un pied puis s’exploser par terre la minute suivante ? Combien de promesses, de déclarations d’amour, de caresses et de sourires faudra-t-il à mon corps et à mon esprit pour savoir qu’il est temps de tourner la page ?

Et aujourd’hui, quand j’ai pris la décision de me remettre à écrire, je n’avais qu’un seul sujet qui faisait vibrer mes doigts déjà tremblants.
Je me souviendrai toujours des premiers vers de Howl. Je n’ai sûrement pas la prétention d’être une des personnes les plus intelligentes de cette génération, mais cinquante ans plus tard, les mots ont déclenché quelque chose lorsqu’ils ont atteint mes sentiments aseptisés.

I saw the best minds of my generation destroyed by madness
starving hysterical naked
dragging themselves through the negro streets at dawn
looking for an angry fix

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