Métaphysique du rock #9 La beauté sombre du Velvet Underground

La fin des années 60 marque une rupture dans l’histoire de l’humanité. La terne existence terrestre entame une (énième) révolution. On voit désormais plus loin avec davantage d’ambition. Par exemple, la conquête de l’espace est lancée. Plus important encore, à New-York, naît le Velvet Underground.

L’univers n’est pas la seule chose en perpétuelle expansion. Le rock est aussi confronté à ce phénomène, à la différence qu’il n’obéit à aucune loi (et certainement pas aux principes de la physique). Dans les deux cas, on a affaire à quelque chose de vertigineux où tout un chacun peut avoir ne serait-ce qu’un tout petit impact. Celui de la bande à Lou Reed est conséquent. Si la métaphore est permise, imaginez le rock comme un magnifique ciel de fin de journée estivale. Le Velvet Underground, c’est ce qui repousse l’horizon.

The Velvet Underground and Nico sort en 1967 et clairement le monde n’était pas prêt à recevoir ce disque. Pourtant, sans même le savoir, il en avait sacrément besoin. La morale bien-pensante méritait certainement un bon coup de pied à l’arrière-train. De ce point de vue, elle allait être servie. De la musique à la pochette, en passant par les textes, tout est ici subversif. Le « Peel it slowly and see » de la couverture ne vise pas qu’à fournir l’acquéreur en LSD (si tant est que la légende soit vraie) mais fait également office d’avertissement : pour les audacieux qui orneront le vinyle de son diamant, vous allez voir ce que vous allez voir.

« I am tired, I am weary / I could sleep for a thousand years »

Le groupe fréquente la Factory de Warhol. C’est un lieu où les névroses et autres déviances ont bien plus de valeur que la pseudo normalité. Partant de là, qu’ils parlent de drogues (d’héroïne surtout) ou de sadomasochisme n’a finalement rien de surprenant. Les parents de Lou Reed avaient jugé bon qu’il suive une thérapie par électrochocs pour « soigner » son homosexualité. Aussi aberrant cela soit-il, ce n’était pas un cas isolé parmi les membres de la Factory. Bien-pensants, mal-pensants, on choisit vite son camp.

 

Par les thématiques qu’il aborde et avec cette musique, l’album fait évidemment figure d’OVNI à sa sortie. Il ne se vend pas très bien mais la machine est lancée, d’où la fameuse phrase de Brian Eno : « Je parlais à Lou Reed l’autre jour et il me disait que le premier album des Velvet Underground n’a été vendu qu’à 30 000 exemplaires au cours de ses cinq premières années. Je pense que chacun de ceux qui ont acheté une de ces 30 000 copies a fondé un groupe ! ». Jonathan Richman aurait approuvé, paraît-il.

Qu’on soit bien clair, écouter le « Velvet » ça fout le cafard. Mais on en redemande. Leurs chansons possèdent une dimension quasi mystique. Sur « Heroin », Lou Reed ferait passer un garrot pour un piètre prix à payer pour se sentir fils de Jésus. Il y a quelque chose de subjuguant à voir jusqu’où il peut aller dans le choix des mots. On se complaît dans un rôle de voyeur d’une idylle immorale et dangereuse. Et faire ressentir dans une chanson, c’est une prouesse. Eux en ont fait tout un tas.

 

Il faut croire que les grands groupes ont un truc en commun, puisque la conclusion de cet article est tout aussi valable dans le cas présent.

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