MON (PRESQUE) ARI GOLD

– Bonjour Le Reilly. J’ai cru comprendre que tu avais un roman qui cherche un éditeur. Or il se trouve que je suis agent littéraire. Si ça t’intéresse qu’on discute un peu, voici mon numéro.

HOLY FUCK ! YES ! ENFIN !

Pour ceux qui se posent la question : la stratégie de bosser beaucoup dans son coin en espérant qu’on vienne vous chercher est la moins efficace qui soit. Je le sais donc je vous le dis. Mais, il y a quelques mois, j’ai reçu un email d’un agent littéraire, qui voulait qu’on parle, pour (peut-être) me représenter. Ce qui me fait une superbe introduction pour un article sur le système des agents dans l’industrie du livre en France de nos jours.

Oui, on dirait un titre de dissertation.

La (grande) majorité des signatures de livres en France se fait suite à une recommandation, un coup de pouce ou de népotisme. Il existe des exceptions, dont le principal intérêt est de pouvoir être montrées du doigt à la moindre accusation de corruption du système. Mais la majeure partie des contrats se font entre potes. Et jamais l’auteur ne rétribue son ami. Parce qu’entre amis, on ne parle pas d’argent. Et aussi parce qu’en art, on ne parle pas d’argent. Surtout, dans un milieu où quasiment personne ne gagne d’argent, on ne parle pas d’argent.

Un agent, sur le principe, c’est comme un ami, sauf qu’on le paie. L’avantage principal étant que l’on n’est pas obligé d’être ami avec son agent. Ce qui est pratique quand on n’a pas d’amis ou quand son agent est un requin sale con. L’agent se rémunère (gros mot) sur les gains de son poulain, au pourcentage. Si l’agent n’arrive pas à signer son client, il ne gagne rien. Si le client s’avère être un tocard qui ne rapporte pas grand-chose, l’agent gagne une partie de pas grand-chose. A savoir deux cheeseburger et un Sunday. Double intérêt du système : l’agent va choisir son auteur au potentiel et se battre pour le faire émerger. A l’inverse, l’ami peut perdre tout sens commun et recommander un tâcheron, tout comme il peut laisser tomber son travail de réseau une fois l’affaire signée.

BUSY. CANT TALK. OK THX BYE.

Tout ceci expliquant qu’aux US of A, les agents littéraires pullulent et que signer sans être représenté est devenu très complexe. Cependant, chez nous, la donne est plus compliquée. Déjà parce qu’il y a trop d’amis prêts à faire gratuitement le boulot des agents. Loi de l’offre et la demande. Ensuite parce que les éditeurs n’aiment pas trop traiter avec des gens qui sont là pour gagner de l’argent. Ca angoisse un peu, ça met son nez partout et ça grippe parfois les rapports entre auteur et éditeur. Dans les faits, les rares agents littéraires en France sont surtout là pour négocier des droits cinématographiques ou de traduction à l’étranger.

La personne que j’ai eu au bout du fil se situait à mi-chemin entre le pote et l’agent : il représente des auteurs, en a fait signer au moins un et prends 10% des revenus du livre. Cependant il tient à ce que le manuscrit lui plaise. C’est pour ça qu’il a passé une heure à me questionner et prendre des notes. Quels sont mes auteurs préférés ? Mes livres préférés ? Pourquoi j’écris ? Quelles sont mes ambitions à moyen terme ? Comment je décrirais mon style ? Quel est mon parcours ? (autant de questions pertinentes auxquelles je n’avais pas forcément de réponses, ce qui est une erreur, et matière à plusieurs bonnes pistes d’introspection)

J’ai donc passé un entretien d’embauche littéraire.

Pour rien, ou si peu.

Puisque pour des raisons d’emploi du temps, ce garçon n’a pas pu démarrer notre collaboration. Bien qu’il m’assurait que ce n’était pas forcément mort, qu’on en reparlera au printemps, quand il sera libre de nouveau. N’y comptons pas trop. Dans un pays où les agents littéraires n’existent pas, ceux qui veulent se lancer ne peuvent pas en faire leur activité principale. Ça ne rapporte simplement pas assez, au début.

C’est pour ça que le premier agent littéraire prêt à soutenir un nouveau que je croise se trouve être un passionné de littérature, avec du réseau et un peu de temps libre, qui doit se retirer dès que sa vie normale de tout les jours se grippe.

Si ça vous rappelle quelque chose, c’est parce que c’est exactement le même status que l’écrivaillant qui y croit, mais doit avant tout payer son loyer.

Comme quoi. Qui se ressemblent…

3 commentaires

  • Editeur
    Editeur

    Bonjour Lereilly,

    Magnifique pseudo. Très bel article qui correspond bien à ce qui est en train de se passer (je sais moi même précaire, je tente de représenter un jeune talent qui est aussi un ami, parce que j’ai quelques adresses…).

    En revanche 10% des revenus d’un livre ça me parait énorme, puisque c’est ce qu’un auteur touche en moyenne. C’est plutôt 25% des gains de l’auteur qui vont à l’agent.

    Et effectivement, il y a de plus en plus d’agents littéraires,et ils effraient grandement les éditeurs.

    A bientôt.

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    • lereilly
      lereilly

      Salut Editeur,

      Il fallait bien sûr comprendre 10% des gains de l’auteur.

      10% est le chiffre qu’on m’a proposé et aussi celui que prend l’agent de Marc Levy à l’international. Aux US ça tourne entre 10 et 15% en moyenne.

      🙂

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      • Editeur
        Editeur

        Oh bah t’es tombé sur des gentils. Après j’imagine que Lévy doit avoir pléthore d’agents courtisans.

        D’après ce que j’ai entendu c’est plus 20-25% (comme pour les photographes, illustrateurs etc) mais je n’ai pas tant eu tant de détails d’agents littéraires.

        En revanche photos / illustrations etc, ça je connais bien et c’est très souvent 25%

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