Rosa Candida tout en délicatesse.

« Il est clair en tout cas que le jour de mon décès sera un jour de bonheur pour une foule d’habitants sur la terre – avant que le soleil ne se couche, plein d’enfants seront nés à ma place et une multitude de noces seront célébrées. »

L’embellie n’a pas reçu de prix pour la rentrée littéraire. Malgré tout, on en a beaucoup entendu parler –en bien- et l’univers si particulier de son auteure  Audur Ava Olafsdottir semble séduire et faire petit à petit de plus en plus d’adeptes.

Etonnée qu’une auteure Islandaise -publiée chez Zulma pour l’édition française- fasse autant parler d’elle,  j’ai décidé de me pencher sur son précédent roman Rosa Candida, qui a reçu des prix en Islande et au Québec, a été finaliste du prix Fémina et du prix des lectrices de Elle (Gloups !) en France, mais sans recevoir de récompense de ces plus au moins nobles concours. Les prix m’ont bien sûr orientée vers ce roman là plutôt que L’embellie… je ne fais pas exception, même si c’est surtout l’intrigue qui m’a convaincue.

Rosa candida a tout du roman d’apprentissage construit à la manière d’un conte et raconté avec douceur et délicatesse.

Arnljótur, un jeune islandais, décide de partir donner une seconde jeunesse à une roseraie située dans un monastère à l’étranger, loin, très loin de chez lui. C’est avec pudeur que les faits nous sont peu à peu dévoilés, chargeant le lecteur d’en tirer ses propres conclusions sur les intentions du jeune homme.

L’amour des roses, passion ô combien romantique et emprunte de nostalgie, était un ouvrage que le jeune homme partageait avec sa mère, décédée au moment du récit. C’est ainsi que le jeune homme tient à vivre de cette passion contre l’avis de son père qui estime plus raisonnable pour lui de faire des études. C’est aussi l’occasion pour notre jeune héros de réfléchir sur ce qu’il compte « faire de sa vie », de comprendre qui il est à travers une quête aussi charnelle que spirituelle : à travers cet amour des roses partagé avec sa mère, il comprend que le lien qu’il avait avec elle perdure (…à travers la naissance de sa fille ?) et décide de boucler la boucle en honorant la mémoire de sa mère et en tenant de se trouver lui-même. Son destin l’amène finalement à comprendre que tout est affaire de continuité dans la vie.

Le récit gagne en force émotionnelle lorsqu’est dévoilé le dernier appel de la mère à son fils, passé depuis la voiture accidentée, où la mère décrit un paysage ensoleillé, lumineux, presque flamboyant, qui transcende une nature désertique composée de champs de lave, alors qu’il pleut et qu’il semble impossible qu’une mourante ait eu le courage d’appeler sa famille une dernière fois. Autre fait fantastique, une fois sa mère morte, Arnljótur vit une histoire de quelques minutes avec une fille dans la roseraie familiale et de cette union naitra un enfant, qui aura pour date d’anniversaire celle de  de sa grand-mère. Ces éléments apportent une matière merveilleuse au roman, et le fait que l’apprentissage du jeune homme à l’étranger se passe dans un pays qui ne sera pas dévoilé ajoute en mystère,  dans le conte.

Le roman est ainsi légèrement teinté d’un discours sur le deuil, et de ses conséquences : le vide, la perte totale de sens, l’obsession pour le corps, la fatigue : « Si l’on fait abstraction de mon allure juvénile, je me sens comme un homme courbé sous le poids des ans à force d’avoir vécu, dans le corps d’un homme jeune. Ne s’agit-il pas désormais de passer le temps jusqu’à la tombe ? Y a-t-il encore quoi que ce soit qui puisse me surprendre ? ». Si l’on a vécu une expérience similaire, on se rendra compte que tout est dit.  A contre courant des publications à succès actuelles, Rosa Candida vient nous dérouter par une vision de la vie qui n’est pas tellement à la mode en ce moment (…en faire plus tout le temps, gagner du pognon, avoir une vie sentimentale et sociale frénétique…), qui rassure et fait rêver le lecteur en quête d’Autre Chose. Le deuil, cette rupture dans la vie du jeune homme, est aussi la cause de son envol.

Il semble étonnant qu’un roman aussi lent et apaisant connaisse un tel succès. On connait tous ce jour difficile, où on se rend compte que nous sommes « mortels », que l’on « doit » se trouver une occupation dans la vie, que l’on souffre d’un décalage avec l’univers, et que parfois on ne voit plus très bien l’intérêt d’avoir fait tout ça. On ne nait pas forcément avec une vocation, on n’est pas tous promis à un grand destin, et il faut faire avec, la vie n’est pas si drôle. L’auteure évoque ces sujets en essayant d’y apporter des réponses rassurantes. Rosa Candida dénote : non, on ne va pas se laisser asphyxier par Les Harry Potter, les Lévy, les Twilight et  compagnie.

Titre : Rosa Candida

Auteur : Audur Ava Olafsdottir

Editeur : Zulma

ISBN : 978-2843045219

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