« Saloum » / Once upon a time in Africa

Un trio de mercenaires trouve refuge dans une région mystique du Sénégal. Un second film maîtrisé et palpitant.

Chaka, Rafa et Minuit se surnomment les « Hyènes de Bangui ». A la faveur d’un coup d’état en Guinée-Bissau, ils exfiltrent un baron de la drogue recherché par l’armée. Polyglotte, tête brûlée, marabout : les trois héros ont chacun leur caractère mais semblent œuvrer de concert. Leurs plans intimes seront mis à rude épreuve quand leur avion tombe en panne, les obligeant à naviguer dans la région sénégalaise du Sine-Saloum : un million d’habitants répartis sur un marécage de mangrove, avec des légendes à n’en plus finir et, quelque part, une vengeance à accomplir.

Rafa (Roger Sallah), Chaka (Yann Gael), Minuit (Mentor Ba)

Saloum est épatant par sa technique, émouvant par son interprétation, enthousiasmant par son ambition et, déjà, un sérieux candidat pour mon film de l’année. Avec sa collaboratrice artistique et co-productrice Paméla Diop, le réalisateur Jean-Luc Herbulot a concocté un plat aux multiples saveurs : une introduction aussi soufflante que La Cité de Dieu, une équipe digne de L’Agence Tous Risques, un abri de fortune sous la forme d’un club de vacances improbable où les dîners évoquent des tirades de Tarantino… et amènent à un mexican standoff à la sauce sénégalaise dont personne ne peut sortir vainqueur.

Saloum n’est pas sombre outre mesure, contrairement à certaines productions dont la noirceur flatte nos instincts primaires sous forme de défouloir. Sur les rivages des vieux massacres, le film vient échouer son écume régénératrice. La photographie de Grégory Corandi est pour beaucoup dans ce cauchemar au soleil dont une dizaine de plans m’ont décroché la mâchoire. Si Saloum touche autant, c’est parce qu’il est animé d’une foi dans ses personnages, ses thèmes et leur rédemption, sans tomber dans le pastiche, le folklore ou le grotesque. Jean-Luc Herbulot a des images en tête, aussi foisonnantes et disparates que Park Chan-Wook (Old Boy) ou le jeu vidéo Red Dead Redemption, mais jamais elles ne viennent entraver sa pierre à l’édifice.

C’est qu’il y a beaucoup à faire en terme d’imaginaire, pour un continent d’un milliard d’habitants sous-représenté à l’écran. L’équipe de Saloum le fait de la meilleure manière qui soit, par le truchement d’une fiction qui épouse différentes formes, embarque son spectateur et brasse des thèmes foisonnants, le tout en 84 minutes seulement. Au mitan du film intervient un retournement qui met à l’épreuve notre sagacité et qu’il serait criminel de révéler. Ce n’est heureusement pas un twist au sens traditionnel m’as-tu-vu, mais bien la preuve que le film en a encore sous le coude. Aux yeux incrédules, il révèle que Saloum n’est pas seulement ce qu’on pouvait attendre, mais bien « plus que ça ». Et ça, il faut le voir au cinéma.

« SALOUM n’est pas un film de héros, mais un film sur les héros. Des héros que nous n’avons pas vus auparavant. Je respire le cinéma, et SALOUM est ma lettre d’amour à l’Afrique et au cinéma. […] Le temps est venu pour Katiopa (Afrique dans notre langue indigène) d’introduire ses héros et ses mythes dans la modernité. » – Jean-Luc Herbulot

Saloum sort en salles mercredi 25 janvier.

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