Slash’em up – les frissons de l’angoisse

LES FRISSONS DE L’ANGOISSE – Dario Argento – Italie – 1975

Je continue ma remontée dans le temps en me disant qu’avoir 16 ans en 1975 devait être sacrément cool. Certes il y avait Joe Dassin et Michel Sardou qui passaient en boucle à la radio, mais pour faire chier ses parents, on pouvait lire le premier numéro de Fluide Glacial, découvrir « Physical Graffiti » de Led Zep’ et surtout aller voir « Les dents de la mer » au cinéma. Bon je n’étais pas née mais je suis quand même nostalgique.

La bonne nouvelle c’est que, même si ça a beaucoup moins d’impact aujourd’hui quand je m’enferme dans ma chambre en claquant la porte très fort pour affirmer ma rébellion, je peux tout de même revoir en DVD «  Les Frissons de l’angoisse » de Dario Argento, sorti la même année.

Alors je vais encore râler mais « Les Frissons de l’angoisse » est une des traductions les plus débiles de titres de films qui m’ait été donné de voir, le titre italien étant « Profondo Rosso ». Je cherche encore le rapport et quand on sait que « Profondo Rosso », rouge profond donc, fait parti du genre du  giallo – jaune en italien – on se dit que les distributeurs français doivent avoir un sérieux problème sur la compréhension du double sens.

Pour faire court, le giallo est un genre cinématographique italien qui a commencé à voir le jour dans les 60’s. Les gialli sont des thrillers inspirés des romans policiers construits sur le mode du « whodonuit », jeu de pistes dont le but est de découvrir qui est l’assassin. Ils sont dotés d’une esthétique très particulière, mêlant mise en scène baroque, meurtres sanglants, armes blanches et éléments psychanalytiques.

Dario Argento est considéré comme un des maîtres du genre et « Les Frissons de l’Angoisse » en est pour moi une des plus belles illustrations, même si, j’avoue, je ne suis pas une grande férue de ces œuvres transalpines. Cependant, le film, bien que présentant pas mal de longueurs (plus encore dans sa seconde version de 126 minutes au lieu des 110 minutes originelles) est esthétiquement magnifique.

Mark Daly (David Hemmings), pianiste de jazz et enseignant au conservatoire de Rome, entrevoit de la rue un meurtre à la fenêtre d’un appartement situé dans son immeuble. Il court essayer de sauver la demoiselle en détresse mais arrive trop tard, ayant juste le temps d’apercevoir l’assassin s’enfuyant dans la nuit. Il commence donc à mener l’enquête, assisté de la jolie Gianna Brezzi (Daria Nicolodi), journaliste qui aimerait bien un scoop pour faire décoller sa carrière. Mais les meurtres sadiques s’enchainent alors que Mark semble lui piétiner.

Argento instaure dès la première séquence du film, un assassinat en ombre chinoise, le jeu stressant du chat et la souris entre nous et le tueur. Il nous pose sans cesse dans une position complexe : celle des proies, puisque nous découvrons les indices au fur et à mesure avec Mark et celle du tueur, par la présence de plans subjectifs le représentant tapi dans l’ombre.

L’habilité du réalisateur réside non seulement dans cette alternance de point de vue mais également dans son insistance assez cynique à brouiller les pistes. Mark accède avec bien des difficultés à certaines réponses qui, sans jamais être fausses, sont sans cesse incomplètes ou mal interprétées, donnant toujours au tueur une longueur d’avance. Argento pousse notre frustration en nous gratifiant, suite à chaque échec de l’enquête du pianiste, d’une séquence de meurtre particulièrement cruelle.

Car les meurtres sont tous orchestrés avec une précision morbide, accompagnés d’une comptine enfantine entêtante et d’objets angoissants, emblématiques du genre, comme une poupée décapitée ou un automate plutôt menaçant.

Ces séquences sont d’ailleurs la grande réussite du film, d’une rare violence pour l’époque et formellement sublimes. Avec un montage cut qui jongle entre visages déformés par la peur, gros plans sur le sang rouge vif, présence du tueur que seule trahie sa main gantée de cuir noir et un choix d’armes (hachoir, couteau, verre, etc.) très cinégéniques, Argento saute à pieds joints dans le cinéma gore. Et annonce ainsi la suite de sa filmographie qui sera plus axée sur le cinéma d’horreur avec notamment son cultissime « Suspiria ».

On retrouve dans « Les Frissons de l’angoisse » certaines obsessions propres au réalisateur comme celle du détail invisible, de la figure de la spirale, ou encore de l’image dans l’image avec l’omniprésence du miroir qui donne au film cet aspect hypnotisant. Aspect magnifié par la musique des Goblin, groupe de rock progressif, dont ce long métrage marque le début d’une longue collaboration avec Argento.

« Les Frissons de l’angoisse » n’est pas facile d’accès. Allez, disons-le clairement même si je risque le lynchage, c’est même un film un peu chiant. Mais c’est aussi un film qui vaut largement le détour pour sa maestria visuelle et qui me semble proposer une introduction très pertinente à l’univers du giallo.

Miho

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