The Dave Brubeck Quartet / Time Out

The Dave Brubeck Quartet - Time Out - 1959
Cover de l’album du Dave Brubeck Quartet, Time Out, sorti en 1959

À la recherche du sample parfait

Faisons dans le classique, un des albums les plus vendus de l’histoire du jazz, j’ai nommé l’expérimentation rythmique qu’est Time Out, du quartet de Dave Brubeck, sorti en 1959, et qui contient le monstrueux Take Five, morceaux en 5/4.

5/4 signifiant qu’une mesure ne contient pas 4 noires, comme cela est habituel dans la musique pop, mais bel et bien 5. Après des années de matraquage en 4/4, l’exercice devient une manipulation de l’esprit, surtout pour l’instrument non mélodique mais uniquement rythmique qu’est la batterie. Et malgré cela, Joe Morello batteur du groupe, enchaîne un solo de plusieurs minutes, sans pression, à la cool. Bon, si, c’est un peu dur pour lui, et même qu’on l’entend à la fin de son improvisation souffler, comme heureux que cela soit finit.
Ça ne s’entend pas, mais ce morceau est une gymnastique de l’esprit pour les musiciens. Il faut remettre les choses dans le contexte, nous sommes en 1959, et le jazz modal * et les expérimentations rythmiques ne sont pas légion et commencent tout juste à apparaître. Cela n’empêchera pas le titre de devenir un standard du jazz et d’être repris par de nombreux jazzmen comme George Benson **, par exemple.

La légende voudrait que le morceau ait été composé pour décourager le public de taper dans leurs mains, ne comprenant pas le 5/4, ils n’auraient pu suivre un tel rythme.

[Anecdote de vie] J’ai bossé pendant longtemps au Domac, 6 ans, et cette track m’a beaucoup aidé lorsque j’étais, pendant 4 heures, au toaster mac. La chantonnant dans ma tête. Les vrais savent. [/Anecdote de vie]

Dave Brubeck avait une obsession du temps. Nombre de ses albums contiennent le mot « time ».  Time Out, donc, Time Further Out en 1961, Time changes en 1964 et Time In 1966.

Puis après Take Five, nous avons Three to Get Ready, qui pour nous français, sonne comme du gaz entre Le Jazz et la javaClaude Nougaro reprit le titre en 1962, et en ajouta même une partie.
Le titre Three to Get Ready alterne entre mesures en 3/4 et 4/4. Le 3/4 étant le rythme classique d’une valse mais beaucoup utilisé en jazz pour le swing.

Je reviens sur le premier titre de l’enregistrement, Blue Rondo a la Turk, composé par Dave Brubeck sur une signature rythmique en 9/8, c’est à dire une mesure sur une base à 3 temps avec comme unité de temps des noires pointées. C’est très compliqué, et mes cours de solfège remontent à bien longtemps et je ne donne pas des cours de musique. Il faut juste savoir que c’est une prouesse hallucinante, et que les prises ont du être nombreuses lors de l’enregistrement de cette album. Dans ce morceau, on voit clairement l’influence sur Dave Brubeck de la musique dite « savante » (je déteste les dénominations de musique) et particulièrement de Bartók, ce dernier expérimentant également les changements de chiffrage de mesure.
Encore une fois, Claude Nougaro reprend ce titre en y ajoutant des paroles sur son titre À bout de souffle (1965). Pour l’anecdote, les paroles de Nougaro sont un hommage au film de Godard de 1960, À bout de souffle. Il les écrit sur un lit d’hôpital suite à un accident de voiture, et choisit de les coller sur Blue Rondo à la Turk.

En 1959, nous avons également Kind of Blue, de Miles Davis qui sort, et qui est, lui aussi, considéré comme l’un des albums de jazz le plus vendu au monde.

Ce qui est intéressant, ce que l’on est très loin avec Time Out d’un Kind of Blue. Time Out est un album carré, calé, presque même plus proche de la musique classique. Péjorativement, on pourrait même dire un jazz de « blanc », fait par des blancs pour des blancs. Il n’en est rien, et même au contraire le Dave Brubeck Quartet a permis d’élargir le public du jazz et le mélange des genres. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque aux USA, il y a des charts pour les noirs, des charts pour les blancs, la musique pop ne se mélange pas.

On devrait enseigner le jazz et la musique à tout le monde, ça libère l’esprit et l’élève.

Dave Brubeck est mort en décembre 2012. RIP


* Le jazz modal est le fait d’explorer les enchaînements de notes à l’intérieur d’une tonalité et non plus de se baser sur une grille d’accords et d’être cantonné à cette progression. So What (1959), l’exemple canonique de Miles Davis, est basé sur deux accords, du début à la fin. En ayant juste deux accords, la liberté de gamme et d’enchaînement de note est quasi infini. L’exploration est plus grande, la liberté à portée de main. Comme si la liberté était la déstructuration et l’épuration. Idée qu’on retrouve dans le jazz, mais aussi dans de nombreux courant, de l’art à l’architecture …

**  Écoutez sa version jazz-funk, elle est juste magnifique. Sortie en 1976. C’est dommage que George Benson se traîne cette image « commerciale », c’est un guitariste absolument génial.

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