Vampire, vous avez dit vampire ? – Martin

MARTIN

MARTIN – George A. Romero – USA – 1977

Je fais vraiment de la publicité mensongère en déclamant mon amour des zombies et en écrivant sur Romero… sans parler de zombies ! Tant pis, j’assumerai tomates et moqueries diverses tant « Martin » est un véritable chef d’œuvre qui mérite largement que l’on s’y attarde.

Martin a plus de 80 ans même s’il en paraît 15 et il a vécu dans les Carpates puisque descendant d’une lignée de vampires. Ou Martin est un adolescent un peu dérangé qui traine dans Pittsburgh en tuant au hasard. Nous n’aurons jamais de réponses claires, Romero nous laissant nous débrouiller avec l’interprétation, préférant se concentrer sur l’ambiance très particulière de son métrage.

Il l’a dit et redit : « Martin » est son film fétiche. Même si on y décèle déjà son style associé à une critique acerbe envers une certaine frange obscurantiste de la société américaine – ici incarnée au travers de la religion – le film est avant tout poétique, à la fois doux et cruel, à l’image de l’adolescence qu’il dépeint.

Cette période de doutes, de troubles identitaires, de vie fantasmée en rejet à une réalité trop brute pour être affrontée est retranscrite remarquablement. Une mélancolie, presque une tristesse traverse tout le film, qui saisit au passage une émotion rarement rendue avec tant de justesse au cinéma : l’ennui.

Le rythme lancinant nous promène dans les méandres de l’esprit de cet adolescent taciturne, dont chaque plan met en avant son mal être, magnifiquement interprété par John Amplas. Visage poupin, corps fragile, il n’est pas sans rappeler physiquement le Malcom Mc Dowell de « Clockwork Orange », réussissant le tour de force d’être aussi touchant qu’effrayant.

MARTIN

Car, vampire ou non, Martin a besoin d’assouvir sa soif de sang. Et s’il y a peu de scènes violentes dans le film, elles possèdent une force visuelle abasourdissante. Comme toujours, Tom Savini n’y est pas étranger. Il avait auditionné pour le rôle principal mais n’obtiendra qu’un rôle secondaire. Cependant, « Martin » est surtout un des premiers films qui lui a permis de montrer son talent dans la maîtrise des effets spéciaux. Associé au grain très spécifique du 16mm, le sang s’imprime littéralement sur la pellicule lui donnant un rendu extrêmement cru.

Mais la brutalité des meurtres de « Martin » ne fonctionnerait pas de manière aussi efficace si elle n’était pas associée à la quasi bienveillance que le personnage a pour ses victimes. Cherchant sans cesse à les rassurer, à atténuer leur peur et leur souffrance, Martin n’aspire au fond qu’à une seule chose : être aimé.

Cette quête désespérée de tendresse s’explique par le climat familial dans lequel il évolue. Recueilli au début du film par son oncle, celui-ci s’impose comme une figure paternelle rétrograde, obsédé par la religion, persuadé que Martin est un nosferatu. Le poussant dans la folie par son fanatisme aveugle, la pression psychologique qu’il exerce sur Martin est au final bien plus destructrice que les pulsions meurtrières de l’avant passage à l’acte de son neveu.

Insidieuse et ne souffrant d’aucune remise en cause, sa foi est sèche, application stricto sensu d’un dogme moyenâgeux, dont Romero parvient admirablement à rendre l’absurdité malsaine. Avec néanmoins cette touche d’humour noir qui le caractérise, puisqu’il incarne dans « Martin » un prêtre dissertant sur la véracité de « L’Exorciste » de William Friedkin.

Non seulement film infiniment personnel, « Martin » est aussi un hommage au cinéma fantastique que le réalisateur affectionne tant. Romero opère en effet une relecture du mythe du vampire en le débarrassant de ses clichés parfois plombants, tout en conservant sa dimension romantique et sensible. Le film est d’ailleurs ponctué de sublimes séquences en noir et blanc, très librement inspirées de l’expressionnisme allemand, représentant selon notre point de vue les souvenirs ou les rêves éveillés de Martin.

Tragique et poignant, le conclusion retourne les tripes, nous laissant un goût amer provoqué par la désagréable sensation d’être confronté à une logique aussi implacable qu’injuste.

Alors Monsieur Romero (et ceci s’applique à Monsieur Argento également), après nous avoir livré une telle merveille, ce serait bien de refaire à nouveau des films du même niveau et d’arrêter les conneries.

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