Vis ma vie de Femme #2 : L’humour

Aussi bizarre et ironique que cela puisse paraitre, parler d’humour aujourd’hui est devenu un sujet sensible. Je ne sais donc pas trop à quoi vous vous attendez en lisant ces lignes (mettre femme et humour dans le même titre semble presque un geste militant pour certains). Cet article n’est pas une thèse ou une analyse, encore moins une expertise. Je ne suis personne, et je ne me ferais pas juge de ce qui vous fais rire ou non. Pour être honnête, cela ne m’intéresse pas. En fait, si j’écris sur ce sujet, c’est qu’il me turlupine depuis maintenant quelques années. Mon rapport à l’humour à changer, en bien, en mal, je ne sais pas, mais je ne ris plus de la même façon ou pour les mêmes raisons. Et c’est de ça dont je veux parler (j’espère que ce ne sera pas trop long).

Il est toujours difficile de savoir si on est drôle ou pas. Au fond de soi, tout le monde se pense hilarant. Du point de vue de ma famille, je suis celle qui fais rire en toutes situations, qui a le bon mot au bon moment et dont l’humour noir est légendaire (ils m’aiment fort, que voulez-vous). Du point de vue de mes amis, je suis celle qui a beaucoup d’autodérision et la réplique cinglante. Loin de faire l’unanimité, je suis moyen drôle, avec quelques fulgurances. J’aime faire rire, mais surtout, j’aime rire. De tout, avec tout le monde. Je n’imagine pas faire ma vie avec quelqu’un qui ne me fasse pas rire et que je ne fais pas rire. C’est presque mon seul critère. L’humour est hyper important pour moi, ce fut autant une protection qu’une façon de m’émanciper. Cet état de fait (narcissique et convenu, j’en convient) maintenant posé, on peut passer à la problématique.

Tout a commencé quand j’ai réalisé que je ne riais plus au cinéma. Ça parait bête mais venant d’un foyer populaire, c’est avec des comédies que j’ai grandies. C’était nos seules sorties cinéma avec les films d’animations, et le contenu de la grosse majorité de nos cassettes (je vieillis, c’est moche) et DVDs. Comme beaucoup nous vouons un culte à Astérix mission Cléopâtre, et nous avions même la collection des American pie (les blagues de cul, un classique !). Alors ne plus rire devant un film, autant vous dire que ça me faisait chier. Ma première pensée fut que le problème était les comédies actuelles (le problème ne vient jamais de moi, c’est fou), j’ai alors regardé à nouveau toutes les celles qui me faisaient rire plus jeunes. Du ZAZ (pas la chanteuse, au secours), du mel brooks, des comédies romantiques (oui, oui), les nuls, et même les comédies Disney. Rien. Je souris, je lâche un petit rire timide par-ci par-là. Mais je ne ris plus franchement. Deuxième réflexion. J’ai déjà vue ces films une fois, et c’est moins drôle au second visionnage. Cela me semblait sensé, j’ai donc regardé des comédies variées au succès reconnus que je n’avais jamais vue. De funes, Blier, le diner de con, superbad, love actually et j’en passe, sans grand succès. Suis-je dépressive ? Je me posais réellement la question, je me suis même dis au bout d’un moment que c’était l’âge, je devenais adulte. On rigole moins. La charge mentale, le poids du quotidien, bla bla bla. C’est comme ça, c’est fini, pleurer de rire devient un événement rare. Je me rendais doucement compte que je ne me faisais plus rire non plus. J’étais devenus moins drôle. J’en étais arrêté là, il y a un an. Comme un constat déprimant.

Vous vous doutez qu’il y a un twist à ce moment-là, et le voici. Il y a un an, je découvre la série The Goes Wrong Show. La lumière au bout du tunnel. Une petite série anglaise de six épisodes de 25 minutes (je n’ai pas vue la deuxième saison, j’y pense beaucoup trop souvent). Une histoire différente à chaque épisode avec les mêmes acteurs. Du théâtre filmé, rien ne se passe comme prévu (c’est le titre). C’est absurde, burlesque, complétement con mais terriblement bien foutu. J’ai eu des fous rires devant les six épisodes, et ce, même au bout de trois visionnages. Je ne suis pas morte à l’intérieur, j’ai enfin trouvé ce qui me faisait mourir de rire. Cette libération soudaine c’est accompagné d’un besoin immédiat de chercher, de retrouver se ressentis, et de comprendre ce qui avait changé en moi.

Quand on veut avoir des réponses du pourquoi du comment, le plus efficace c’est d’aller voir ceux dont c’est le métier. En l’occurrence, les humoristes. (Cette recherche personnelle n’est pas une analyse approfondie, j’ai un métier et autre chose à faire je ne vous le cache pas). Durant un an, j’ai regardé les sketchs du festival de Montreux, j’ai écouté les humoristes sur France inter et les grosses têtes (je n’ai peur de rien), et je me suis aussi intéressé à ce qui faisait rire les humoristes. Et ce sont principalement d’autres humoristes souvent américains. J’ai donc regardé des stand-ups. Merci Netflix. Coup sur coup Blanche Gardin, Louis C.K, Amy Schumer et Ali Wong. Pour ensuite découvrir, Bo Burnham, Fary, Daniel Sloss et celle qui est le déclencheur de cette article Hannah Gadsby. Si son spectacle bouleversant qu’est Nanette m’a fait plus pleurer que rire (aller le voir), Douglas m’a quant à lui fait chialer de rire, et m’a ouvert les yeux sur quelque chose que je n’avais pas encore conscientiser.

Avertissement, on rentre dans la partie qui ne va pas plaire à tout le monde. Les hommes me font aujourd’hui moins rire que les femmes. Attention, je ne dis pas que les hommes ne sont plus drôles (ils me font toujours rire), je dis juste que les femmes me font beaucoup plus rires qu’eux. Pendant longtemps on a gardé ce mythe des hommes plus drôles que les femmes, je n’y ai jamais cru. Florence Foresti me faisait autant rire que Gad Elmaleh, Muriel Robin autant que Jamel Debbouze. Pour moi, une bonne blague était une bonne blague qu’importe celui qui la disait. Du coup, qu’est ce qui a changé ? Pas les hommes (haha), mais bien moi. Je suis devenue une extrémiste féministe. C’est ça que vous voulez lire, non ? C’est bien plus triste que ça messieurs. Je m’en suis rendu compte en regardant le spectacle de Fary (Fary is the new Black), les blagues sur les différences entre les gens ne me font plus rire du tout. J’ai besoin d’être choqué, j’ai besoin de surprise pour rire. Les stéréotypes sur les homos, sur les femmes tombent tous à plat, car ils ne me surprennent plus. Les hommes se sont retranchés dans une forme d’humour qu’ils pensent subversif (on ne peut plus rien dire), on ose dire ce que les autres n’osent plus. Mais comment des sujets qui sont le fondement de notre société patriarcal, homophobe et raciste dans laquelle je vis depuis ma naissance peuvent aujourd’hui me choquer et donc me faire rire. Ce sont des sujets dont on parle à longueur de journée. Oui, je le dis, la misogynie, le racisme, l’homophobie ne me choque pas, ils sont la normalité encore aujourd’hui malheureusement. Les femmes sont superficielles et ne savent pas conduire, check. Les PD sont maniérés et dragues lourdement les hétéros, check. Les noirs sont violents et trompes leurs meufs, check. J’ai entendu ces blagues des centaines de fois, qu’elles viennent de ceux qui y croit ou de ceux qui s’en moque. Se moquer des petits clichés des autres ne me fais définitivement plus rire. La répétition jusqu’à la nausée les a rendus bêtes et méchantes. J’en suis même arrivé à ne plus rire du raciste, du misogyne et de l’homophobe, même eux ont élimés ma capacité à rire de tout.

La clef se trouve ici, j’ai compris ce que je cherchais. C’est pour cette raison que je ne me faisais plus rire. Je ne suis plus l’ado qui riais de tous et de tout le monde pour ne pas être blessée, j’ai suffisamment confiance en moi pour ne plus avoir peur des remarques blessantes. Ne plus en avoir peur ne veut pas dire qu’elles ne me font plus rien, mais au moins elles ne viennent plus de moi, et ça change tout. Ce qui me fait rire c’est l’absurde, l’incongru, l’inattendu. Cela à toujours été mon type d’humour favori, je ne le savais juste pas. J’avais privilégié ce qui faisait rire les autres à mes propres dépens, il était temps que j’en prenne conscience. Je suis encore jeune, mon humour évoluera toute ma vie, je l’espère, mais je ne reviendrai pas en arrière. Le sarcasme est mort, vive le burlesque. (Cet article est trop long, pardon).

Et vous, c’est quoi qui vous fait rire ?

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