WHISKY OR NOT WHISKY #27 / FAHRENHEIT 451

Surfant sur la mode des séries d’anticipation et critiques de l’Amérique post-Trump (The Handmaid’s Tale, American Horror Story), HBO a récemment produit le film Fahrenheit 451. Adaptée du roman de Ray Bradbury, cette production – à l’esthétique télévisuelle et numérique – n’est en réalité qu’une pâle copie qui perd très rapidement de son essence politique.

Dans une société dystopique, la lecture est devenue un loisir interdit tandis que les livres sont prohibés. C’est la raison pour laquelle des brigades de pompiers sillonnent les villes afin de brûler toutes les bibliothèques restantes, qu’elles soient publiques ou privées. Guy Montag (Michael B. Jordan) fait partie de l’une de ces brigades. Il exécute ses missions sans aucun état d’âme. Pourtant, et à la suite d’une de ses interventions, il décide un jour de sauver un livre du bûcher en parvenant à le cacher. Sa vision de la société change peu à peu, Montag devenant petit à petit un rebelle au régime. Notre héros entre alors en résistance, notamment à la suite de sa rencontre déterminante avec Clarisse McClellan (Sofia Boutella). La jeune militante fait partie d’un réseau de résistants qui apprend des ouvrages par cœur afin de sauvegarder la mémoire des livres.

Réalisé par Ramin Bahrani, et présenté en séance de minuit au dernier Festival de Cannes, Fahrenheit 451 est un téléfilm raté. Il n’a notamment plus grand chose à voir (ou à envier) au roman dont il s’inspire. De la même manière, cette nouvelle mouture est très loin de la qualité du film que François Truffaut avait pu faire en 1966.

En tentant de se cacher derrière l’omniprésence futuriste des images et des écrans, le « Fahrenheit » de Bahrani en perd toute la saveur critique et le contenu contestataire d’une œuvre d’anticipation. L’intégralité des séquences se déroule sous nos yeux dans une obscurité fatigante, la narration prenant place dans une nuit permanente.

L’interprétation de Michael B. Jordan est mièvre, tout comme celle de Sofia Boutella qui reste tristement clichée. Le spectateur, quant à lui, a la douloureuse sensation d’assister à un pauvre ersatz des Experts à Miami (et encore…) : une « copie » à laquelle Bahrani tente vainement d’insuffler une veine futuriste digne d’une science-fiction de bas de gamme.

Seules les allusions à quelques chefs d’œuvre de la littérature et de la philosophie viennent sauver la faible portée politique de ce « Fahrenheit 3.0 » (les personnages citent Kafka, Kant ou encore Steinbeck).

En bref, l’adaptation de Bahrani est vide de sens. Elle ne fait que citer de la référence en tant que telle, et cette nouvelle version ne parvient pas à subjuguer l’effet de « mode » qui entoure actuellement le genre anticipatif. Or, ce triste constat est fortement dommageable puisque l’essence même de l’anticipation est d’éveiller le sens critique du spectateur. Derrière le prisme de HBO, nous avons l’amer ressenti d’un téléfilm à gros budget dont l’esthétique visuelle n’est là que pour servir le grand spectacle d’un film d’action franchement moyen.

C’est pourquoi je vous recommanderai d’être « passéiste » si vous souhaitez découvrir Fahrenheit 451. Retournez vous plutôt du côté du roman de Bradbury ou de l’excellent film de François Truffaut. Tous deux resteront à jamais des Whisky dignes des meilleurs Lagavulin ou encore des prestigieux Aberlour.

J.M

Fahrenheit 451 de Ramin Bahrani (actuellement sur HBO)

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *