WHISKY OR NOT WHISKY #52 / TONI MORRISON

Depuis la mort de George Floyd, les manifestations anti-racisme se multiplient au niveau international. Tel un tabou sociétal dont on brise les chaînes, l’élan populaire est unanime. De Minneapolis jusqu’à Paris – via le collectif Adama Traoré – les gestes symboliques sont de rigueur. C’est ici une occasion idéale pour vous présenter l’une des plus grandes voix de la littérature afro-américaine : Chloe Ardelia Wofford Morrison – aka Toni Morrison – est notre Whisky du jour.


Notre Grande Dame a traversé presque l’intégralité du XXème Siècle. Elle nous a quitté l’an passé. Distinguée, Toni Morrison est lauréate de plusieurs prix, dont le prestigieux Nobel de la littérature. Son cinquième roman Beloved est à jamais un best-seller mondial, couronné par le Prix Pulitzer.

« L’art romanesque » de Toni Morrison, « caractérisé par une puissante imagination et une riche expressivité, brosse un tableau vivant d’une face essentielle de la réalité américaine ». Ses romans ne sont pas forcément un chant de lutte contre la ségrégation raciale. Ils n’en demeurent pas moins un vrai symbole de reconnaissance. Ses histoires nous plongent au cœur des communautés afro-américaines. Un « vivre-ensemble » que la société US met à la marge de ses plus grandes métropoles. C’est là une « littérature noire » anthracite, qui fait rejaillir toute la splendeur d’un peuple dont les droits sont bafoués depuis bien trop longtemps.

Lucide, celle qui est également critique littéraire ou encore dramaturge n’en blâme pas pour autant notre culture dominante. A travers la communauté, Toni Morrison ne voit pas là une solution à l’émancipation de ses semblables. Détrompez-vous : ce n’est pas dans le repli sur soi que l’universalisme fait son œuvre, condition sine-qua-none en tant que voix et force des diversités.

Dans Paradis par exemple, Toni Morrison nous dépeint la vie quotidienne d’une petite ville répondant au nom de Ruby. C’est là une communauté afro-américaine des 70’s, établie par des Pères Fondateurs. Clairement interdite aux « blancs », Ruby n’est pas tant le « paradis » espéré pour le Black Lives Matter. Loin de représenter une utopie pour cette population, Ruby s’apparente au contraire à une secte autarcique, où les discriminations sont de mise dans ce cercle fermé.

La bibliographie de Toni Morrison est gigantesque. Elle fonctionne également comme un véritable devoir de mémoire pour toute une civilisation. De l’esclavage à nos jours, l’auteure écrit au final les grandes pages d’histoire de l’intégration afro-américaine. Ce sont là de grandes histoires d’amour (comme dans Love), où l’écrivaine nous donne à voir des tranches de vie épiques. Elle reste assurément un monstre sacré d’humanisme, à l’importance politique majeure.

J.M.

« l’Oklahoma c’est des Indiens, des Noirs et Dieu mêlés. Le reste c’est de la pâtée à cochons. A leur grande consternation, le révérend Misner considérait souvent la pâtée à cochons comme un plat digne de sa table » (Paradis de Toni Morrison)

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