Black Sabbath de Black Sabbath à The End

Black Sabbath est le pilier sur lequel s’est bâti le Metal. Le groupe fondé en 1968 a connu des hauts et des bas mais n’a jamais cédé. Le quatuor de Birmingham revient cette année pour sa dernière tournée mondiale, The End. C’est l’occasion de remettre l’église au centre du village en présentant ce groupe incontournable

Fast forward : Birmingham, fin des années 1960. Tony Iommi avait tout pour réussir une carrière de guitariste dans le groupe The Rocking Chevrolet. Hélas, à la veille de son départ en tournée européenne, Tony est victime d’un triste accident. Une presse hydraulique lui ampute l’extrémité de l’annulaire et du majeur droit (Tu prends ta main, tu traces une ligne entre le haut de l’index et de l’auriculaire, c’est la partie qui manque). Impossible de jouer avec des doigts raccourcis (ça fait mal et les extrémités dépourvues de pulpe sont insensibles, donc on ne ressent pas la pression du doigt sur la corde). Le jeune musicien sombre dans la dépression avant que son patron lui apporte un disque de Jango Reinhart. Le génie du Jazz Manouche, également handicapé, joue avec deux doigts. Le message est simple : s’il peut y arriver, tu peux y arriver. Tony se confectionne des embouts de doigt en plastique et réapprend à jouer de la guitare en ajustant son jeu à son handicap. Plus tard (à partir de Master of Reality), Tony sous-accorde sa guitare de deux tons, forçant le gang à jouer deux tons plus bas que les standards blues – rock de l’époque. Le guitariste moustachu commence à tourner dans des groupes de la scène locale. Il fait la connaissance du batteur Bill Ward, également originaire de Birmingham. Après le split de leur groupe, Mythology, à cause d’un problème de drogue. Bill et Tony se mettent en quête d’un chanteur et tombent sur cette annonce collée à la vitrine d’un marchand d’instruments de musique : « Ozzy Zig requires gig, owns his own PA ».

« A big nosed bloke with long hair and a moustache. He looked like a cross between Guy Fawkes and Jesus of Nazareth. And was that a pair of…? Fuck me, he was wearing velvet trousers ». La première personne à venir frapper chez Ozzy est le guitariste Geezer Buttler. Les deux musiciens participent à plusieurs projets qui ne dépassent pas le stade du projet. Geezer finit par jeter l’éponge et retourne à son métier de comptable tandis qu’Ozzy envisage tristement une carrière dans l’une des usines de la ville (il a successivement été régleur de klaxons, préposé au nettoyage des outils et équarrisseur aux abattoirs). Ozzy pensait que l’annonce avait été retirée de la vitrine et c’est donc avec surprise qu’il voit débarquer un beau jour Tony Iommi et Bill Ward. Ozzy rameute Geezer et le convainc de passer à la basse. Baptisé Polka Tulk Blues Band, le groupe emmène une section de cuivres bien vite délaissée au profit de la formation à quatre. Ozzy Osbourne au chant, Geezer Buttler à la basse, Bill Ward à la batterie et Tony Iommi à la guitare. Polka Tulk devient Earth, puis finalement Black Sabbath. Brièvement recruté comme guitariste chez Jethro Tull, Tony Iommi préfère rester avec ses trois amis pour monter un projet sur lequel il aurait le lead.

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L’âge d’or (1968 – 1978)

Le premier album du groupe, l’éponyme Black Sabbath, est commercialisé le vendredi 13 février 1970. Le disque est écharpé par la critique, mais après tout, qu’un groupe anti establishement se fasse étriller par les journalistes de l’establishement était une sorte de victoire, une démonstration que le message était bien passé. Et puis rien à battre des critiques, l’album cartonne, tout comme le suivant, Paranoïd, qui sort en septembre de la même année. Si le single Paranoïd est LA chanson de Sabbath que tout le monde connait, les deux morceaux qui transpirent le plus le son Sabbath sont, à mon goût, War Pigs (sur Paranoïd) et Black Sabbath (sur Black Sabbath). Cette dernière chanson dessine l’alpha et l’omega de ce qui deviendra plus tard le Doom Metal. Rythmique plombée, tempo lent, voix d’outre tombe et cassure de rythme après le break. Et bien sûr le sample pluie et cloches….

Le groupe est lancé et six mois plus tard, le troisième album du gang, Master of Reality, est à son tour commercialisé. Ces trois premiers skeuds ont été produits par Roger Bain et le groupe n’avait pas vraiment son mot à dire sur cette étape. A partir de Volume 4, Black Sabbath prend les manettes. Les disques suivants sont tous élaborés de la même manière. Le gang s’enferme pendant plusieurs semaines pour construire le disque en répétitions. C’est Tony qui compose la musique, Ozzy pose ses mélodies dessus puis Geezer écrit les paroles. Ensuite vient l’enregistre en studio. Enfin, l’album est produit par Tony Iommi (il cédera cependant la console sur certains projets, notamment ceux de la période Dio).

black sabbathLes pièces d’anthologie se suivent. Volume 4, puis Sabbath Bloody Sabbath, premier album sur lequel le groupe introduit des claviers (interprétés par le claveriste de Yes, Rick Wakeman). C’est durant la tournée de Sabbath Bloody Sabbath que le groupe se sépare de son manager Patrick Meehan. Les ennuis juridiques commencent, d’assignations en procès, la ronde des avocats dégrade quelques peu le climat du groupe qui baptisera son sixième méfait Sabotage en référence à ce climat délétère et contre-productif. L’album suivant, Technical Ecstasy, ne rencontre pas son public. Les fans de la première heure reprochent au groupe de s’éloigner de ce Heavy Metal qu’ils ont inventé. Dans ses mémoires, Tony Iommi confesse qu’il lui était de plus en plus difficile de trouver l’inspiration, surtout qu’il était souvent livré à lui-même pour la construction des disques. Construit dans des conditions très difficiles (départ puis retour d’Ozzy qui vient de perdre son père, enregistrement à l’arrache, sans aucune préparation, climat dégradé entre Tony et Ozzy), Never Say Die, qui sort en 1978, marque la fin de la première période de Black Sabbath. Le disque est décousu et si quelques morceaux comme le très émouvant Junior’s Eye sortent du lot, le groupe a bel et bien perdu la fougue de ses jeunes années. Pendant les répétitions pour l’album suivant, le Sab se sépare d’Ozzy et lui trouve un successeur dans la personne de Ronnie James Dio, chanteur américain qui vient d’être renvoyé de Rainbow par son fondateur, le caractériel guitariste Richie Blackmore.

Des routes séparées (1978 – 2011)

Pendant les trente années suivantes, Black Sabbath survivra avec des hauts et des bas. Mis à part Tony Iommi qui reste lead guitar sur toute la période, une quarantaine d’artistes vont se succéder aux autres postes.
Les deux albums enregistrés avec Dio permettent au Sab de renouer avec le succès. Bête de scène charismatique, chanteur hors pair (The voice of metal), songwritter inspiré (quoique dans un genre très différent de celui de Geezer Buttler), la collaboration de Dio et Tony remet le Sab sur les rails du succès avec les deux albums inoubliables que sont Heaven and Hell et Mob Rules.
black sabbathMais malheureusement, la belle entente vole en éclat pendant le mixage de l’album Live Evil. L’histoire n’est pas très claire et les opinions divergent mais le résultat est que Dio et son batteur Vinnie Appice quittent le Sab pour fonder un nouveau groupe, sobrement baptisé Dio. Geezer et Tony doivent se remettre en quête d’un chanteur et c’est finalement Ian Gillian, ex-frontman de Deep Purple qui accompagne le gang pour l’album Born Again et son abominable artwork (choisi par le manager du gang, Don Arden, pour choquer et susciter des réactions). Born Again ressemble à son chanteur. La griffe de Gillian (qui écrit les paroles) est omniprésente et même si l’album est un succès, le son est assez éloigné des autres méfaits du quatuor. Ian Gillian quitte le groupe à la fin de la tournée pour participer à la refonte de Deep Purple et Tony Iommi décide d’enregistrer un projet solo avec le chanteur Glenn Hugues (The voice of Rock). L’album Seventh Star sort le 28 janvier 1986 et il est interprété par Tony Iommi featuring Black Sabbath….une espèce de tour de passe passe marketing que le fonds du disque ne justifie pas et qui a été imposé au guitariste par son label. Certes, ce n’est pas un mauvais disque, mais il n’a pas grand chose à voir avec un album du Sab. Le line-up se stabilise quelque peu pour les trois albums suivants, The Eternal Idol, Headless Cross et Tyr, interprétés par le chanteur Tony Martin. En 1990, coup de théâtre, Dio et Vinnie Appice rejoignent le groupe pour un album, Deshumanizer. Un disque un peu hors du temps, voire un peu ringard. Avec le recul on l’écoute avec plaisir, parce que l’alchimie entre Dio et Tony fonctionne à merveille, mais en 1990, tandis que le grunge émerge sur la côte Ouest des USA, le Heavy Metal traditionnel de Black Sabbath fait un peu has been, et cet album en est l’archétype.

Une fois de plus, la séparation entre Dio et Black Sabbath se fait dans la douleur. Le groupe est en effet invité à faire la première partie d’un concert d’Ozzy et Dio refuse d’ouvrir pour son rival. C’est Rob Halford (Juda’s Priest) qui accepte de tenir le micro pour ce set. Le climat général de l’enregistrement et de la tournée était un peu dégradé par la mauvaise conscience de Tony Iommi. Le guitariste l’avait mauvaise d’avoir évincé Tony Martin au profit de Dio pour Deshumanizer. C’est pourtant un Tony Martin pas rancunier pour deux ronds qui reprend du service pour les albums suivants, Cross Purpose et Forbidden. Ce dernier album, produit par Ernie-C (Body Count) est sans doutes le pire méfait de la carrière du groupe…. c’est aussi le dernier album studio enregistré avant la réunion en 2011.

Pendant ce temps, Ozzy Osbourne n’enfile pas des perles. Le Madman, managé par Sharon Arden (la fille de Don Arden, qui devient quelques années plus tard la deuxième épouse d’Ozzy), sort en effet un premier album solo, Blizzard Of Ozz qui rencontre un vif succès. Le tour de force d’Ozzy est de ne pas tenter de reproduire le son du Sab mais de proposer une autre approche, toujours très heavy metal mais dans un style en rupture. A la fois innovant et conservateur. Exactement ce que demande le public. L’alchimie d’Ozzy repose notamment sur le génial Randy Rhoads, guitariste classique de formation, qui enregistre les deux premiers albums d’Ozzy avant de décéder prématurément dans un tragique accident d’avion pendant la tournée de 1982.

Le chanteur enregistre dix albums studio, crée avec sa femme le festival de Metal Ozzfest et devient mondialement connu grâce à la série de télé-réalité, The Ozzbourne (MTV). C’est notamment lors des Ozzfest que la formation historique de Black Sabbath est recomposée, participant à la plupart des éditions du festival itinérant.

En 2006, Ronnie James Dio, Geezer Buttler, Tony Iommi et Vinnie Appice se retrouve au sein du groupe Heaven and Hell. Partant d’un projet live – revival, le groupe enregistre un album composé de chansons inédites (The devil you know). Le groupe envisage une tournée internationale et un nouvel album, mais le décès tragique de Dio en juillet 2010 met un terme au projet qui se sépare définitivement.

Réunion (2011 – 2016)

En 2011, Black Sabbath se reforme. Seul Bill Ward manque à l’appel. Le 10 juin 2013, 13, le 19ème album du Sab est lancé. Il a été produit par Rick Rubbin.  Le groupe enquille sur une tournée qui l’emmène notamment à Bercy le 2 décembre 2013 et au Hellfest en juin 2014. Enfin, fin 2015, Black Sabbath annonce pour 2016 sa tournée d’adieu, sobrement intitulée THE END.

Le gang n’a pas prévu de sortir un ultime album mais édite un EP 8 titres, donc 4 inédits et 4 titres live enregistrés en Australie et en Nouvelle-Zélande pendant la tournée 2014 et tous tirés de 13. Le disque ne devrait être vendu que sur les stands de merch de la tournée. Les quatre inédits ont déjà commencé à circuler sous le manteau et pour avoir eu l’occasion de les écouter hier, ça va plaire aux fans de Doom Metal ! Bien sûr tu peux compter sur ton blog musical préféré pour partager le matos dès qu’il sera disponible. A moins que tu ne fasses partie des petits veinards qui pourront applaudir le gang lors de son passage au Hellfest 2016.

Si Ozzy a déjà fait le coup de la tournée d’adieu en 1992, suivi deux ans plus tard d’une tournée « Retirement Sucks », on peut supposer que, vu leur âge et leur santé chancelante, les trois musiciens préfèrent donner une belle fin au projet tant qu’ils sont encore en vie et maîtres de leurs moyens. Et c’est tout à leur honneur.

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Bibliographie (et liens vers chroniques de Metal-Impact) :
– I Am Ozzy / Ozzy Osbourne
– Iron Man : My journey through heaven and hell with Black Sabbath / Tony Iommi
– Black Sabbath : La bête venue de Birmingham / Guillaume Roos

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