Christophe Honoré – Le bien-aimé

L’excellente maison d’édition Playlist Society sort la semaine prochaine un essai sur Christophe Honoré, un homme qui étreint large.

À tout juste 50 ans, l’artiste breton affiche déjà une filmographie conséquente : plus d’une dizaine de longs-métrages, des courts-métrages et des clips. Mais aussi des romans, pièces et mises en scène de théâtre et d’opéra. C’est cette œuvre protéiforme que Mathieu Champalaune tente d’analyser en 4 parties dans son ouvrage.

Dans un ton clair et documenté, l’auteur navigue entre les axes de la pensée d’Honoré. Entre les lignes de ses textes qui aident et qui aiment. Scénariste de tous ses films, Honoré aide à penser, rêver, et vivre tout simplement : en montrant des hommes et des femmes aux prises avec leurs désirs, et qui cherchent une porte de sortie pour changer leur vie et chanter leurs sentiments.

En effet, la musique tient une place de choix dans son œuvre : il fait tourner Michel Delpech (Les bien-aimés), Benjamin Biolay (Chambre 212) et Guy Marchand (Dans Paris), mais ne leur demande pas de chanter. À l’inverse, il fait pousser la chansonnette à Ludivine Sagnier, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni dans Les Chansons d’Amour et Les Bien-aimés. Il se joue des étiquettes : François Sagat, le champion du X, devient une icône érotique qu’il appelle (tiens, tiens) Emmanuel dans Homme au bain. Il tourne 5 films avec Louis Garrel et transforme ainsi le jeune premier en premier rôle.

Sa rencontre avec Alex Beaupain est déterminante : le musicien signe la B.O. de son premier film 17 fois Cécile Cassard en 2002 et lui restera fidèle, récoltant au passage un César pour Les Chansons d’amour. La même mélodie, fredonnée dans un film, peut faire l’objet d’un clip quelques années plus tard. Mécanique des fluides, intimes et partagés, entre les œuvres et le temps.

C’est un voyage intérieur auquel nous convie Mathieu Champalaune. L’introspection d’un artiste « entre-deux », à la fois populaire quand il adapte en 2016 au cinéma Les Malheurs de Sophie, le classique de la Comtesse de Ségur, et plus pointu quand il charrie ses références à la Nouvelle Vague. Simultanément reconnu par ses pairs (prix Louis Delluc 2018 pour Plaire, aimer et courir vite) et un peu en dehors des institutions (1 seule nomination personnelle aux César, pour le scénario de La Belle Personne).

Un artiste hors normes quand il évoque son statut de père homosexuel qui se frotte à la haine des autres (« Guerre et Paix : contrepèterie douteuse ? ») dans le bouleversant livre Ton père. L’amour à deux, à trois, entre filles ou garçons : dans toutes les configurations possibles pour conjurer l’absence de ses idoles. Ces figures artistiques dont beaucoup furent décimées par le SIDA et auxquelles il rend hommage dans sa pièce Les Idoles.

C’est tout ce corpus que balaie l’essai, dans un geste à la fois limpide et étourdissant. L’élan des corps, pour empêcher que celui de l’autre reste figé, comme le titre l’auteur dans la dernière partie. C’est un petit livre immense, qui ouvre les yeux et le cœur.

Christophe Honoré, les corps libérés est disponible en librairie le 20 octobre.

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