Tony Martin. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Il est vrai que son passage chez Black Sabbath coïncide avec la décennie la plus noire du groupe. Une décennie que ses membres actuels ont rayé de leur mémoire et qui a pourtant donné lieu à une poignée d’excellents albums qui ont autant leur place au Panthéon sabbathien que ceux interprétés par Dio, Ozzy, Glenn Hugues ou Ian Gillian.
La vie de Black Sabbath n’a pas été un long fleuve tranquille. Le groupe fondé en 1969 par Tony Iommi (guitare), Geezer Butler (basse), Ozzy Osbourne (chant) et Bill Ward (batterie) a tenu une petite décennie avec cette formation « historique » avant d’exploser. C’est d’abord Ozzy qui quitte le groupe, remercié par Tony Iommi et Geezer qui ne supportent plus son manque d’implication dans le procédé créatif. Bill Ward n’a jamais vraiment pardonné cette décision aux deux gratteux, d’une part car ils l’ont chargé d’annoncer la mauvaise nouvelle à Ozzy mais aussi car pour le batteur, Black Sabbatg ne pouvait exister sous un autre format que celui du début. C’est pour cette raison que le batteur quitte le groupe l’année suivante. Geezer Buttler s’accroche un petit peu plus longtemps, quittant la formation lors de l’enregistrement de l’album Seventh Star en 1986. Cet album particulier, voulu comme un projet solo par Tony Iommi, sera finalement rattaché à la discographie du Sab par un jeu de passe-passe du label Universal qui pensait qu’un disque du Sab se vendrait forcément mieux qu’un disque de Tony Iommi. Le disque sort en 1987 et une tournée promotionnelle est organisée mais Glenn Hugues (qui chante sur le disque) abandonne le navire après quelques concerts. Il est remplacé en catastrophe par un illustre inconnu, Ray Gillen. C’est ce dernier qui doit enregistre l’album suivant de Black Sabbath, The Eternal Idol. Il jette finalement l’éponge après quelques mois prétextant la mauvaise ambiance au sein du groupe. Tony Iommi recrute alors un chanteur à peine plus connu que Ray Gillen, Tony Martin.
Une nouvelle voix d’or au micro du Sab
Souvent méprisé par les fans et ignorés du grand public qui a (re)découvert Black Sabbath avec le retour d’Ozzy au chant à la fin des années 90, la décennie où Tony Martin a prêté sa voix au gang est vocalement très marquée. Arrivé alors que le disque était déjà finalisé et enregistré, Tony Martin a 
Black Sabbath, le groupe qui a inventé le Metal : un fardeau dur à porter
Dans les années 90, plusieurs phénomènes ébranlent la scène Metal traditionnelle. Venant de Seattle, le Grunge s’apprête à rebattre les cartes en prônant la simplicité, le « come as you are » plutôt que les costumes de scène en spandex ou le look cuir et chaîne de Black Sabbath. Parallèlement, le Black Metal et le Death Metal moissonnent également pas mal de public et mettent en péril des formations plus traditionnelles. Mais, Ô miracle pour Black Sabbath, les groupes de Grunge revendiquent la formation de Tony Iommi comme source d’influence. Tony Iommi a donc tôt fait de penser que son groupe n’ayant pas été ébranlé jusque là, y compris par le Punk ou la NWOBHM, il n’y a pas de raison qu’il soit plus menacé par cette jeune garde. Avec le temps, les albums de cette période de Black Sabbath ont pris un vernis Heavy Metal de bon aloi, mais à l’époque, ils étaient un brin décalé dans le paysage musical Metal…un peu has been, comme l’atteste ce clip pas du tout second degré réalisé pour le single Headless Cross tiré de l’album éponyme (1989).
Si Black Sabbath a réussi à survivre à ce triple tsunami, il y a laissé des plumes avec des albums qui ont bien vieilli mais n’étaient pas vraiment dans l’air du temps à leur sortie. Les tournées laborieuses et les semi échecs commerciaux de la plupart des sorties ont eu raison de la patience de Tony Iommi. Le guitariste a bien espéré relancer le groupe par la seule qualité de sa musique (notamment avec l’album Headless Cross) mais l’accueil frileux du public et l’incapacité du label IRS à organiser une tournée américaine digne de ce nom ont eu raison de la patience de l’homme en noir qui a cherché par tous moyens à provoquer la réunion avec Ozzy réclamée par les fans. Aujourd’hui, les cinq disques interprétés par Tony Martin ont été comme rayés de la mémoire du guitariste qui n’aborde cette étape de sa carrière que comme une traversée du désert entre deux périodes de succès. Il faut pourtant écouter The Eternal Idol, Headless Cross, TYR, Cross Purposes et Forbidden au moins pour savoir de quoi l’on parle. On découvre alors que ces projets ont pas mal d’atouts et ne sont font absolument pas tâche dans la discographie du Sab. Ces disques sont d’autant moins connu que, n’étant pas distribués par Universal mais par le label britannique I.R.S, ils ne sont pas proposés sur les plateformes de streaming et n’ont pas été réédités. L’autre raison pour laquelle vous ne connaissez pas ces disques c’est parce que les chansons de cette époque n’ont plus été interprétées en live depuis la réunion du trio historique en 1998.
Depuis 1998, Black Sabbath est devenu son propre tribute band
Tony Iommi n’a pas mis longtemps à réaliser qu’il avait commis une immense connerie en virant Ozzy Osbourne qui, malgré son caractère versatile, incarnait Black Sabbath. Les fans, le label, le management du groupe…tout le monde demandait Ozzy et il n’est donc pas étonnant qu’une fois bien cornaqué par son manager, Sharon Arden, le chanteur ait connu un fulgurant succès solo. C’est d’ailleurs en raison de son succès et de la poigne de son manager que le Madman n’a jamais accepté les appels du pied de Tony Iommi pour une reformation du quatuor historique de Black Sabbath. Pourquoi en effet rejoindre un groupe battant de l’aile alors que sa carrière solo faisait des étincelles et qu’il y était libre d’exprimer une personnalité que ses précédents collègues avaient parfois cherché à museler.
Une fois Ozzy parti, et après les deux albums enregistrés avec Dio et l’unique projet de Ian Gillian qui ont permis à Black Sabbath de contenter leur fanbase, l’album solo Seventh Star et surtout l’ère Tony Martin ont fait fuir une bonne partie du public. Et même le label Universal / Vertigo, qui suivait pourtant 
On peut trouver cette attitude un rien putassière et mercantile, mais si l’on se met à la place du guitariste, passer du succès planétaire et des concerts à guichet fermé dans des salles immenses à de petits clubs qu’on peine à remplir, un label qui vous congédie et des fans qui tirent la tronche doit être dur à avaler et il n’est donc pas surprenant que Tony Iommi ait cherché à renouer avec ce succès là… à tout prix. Et 
Pourquoi d’après vous ? l’une des réponses tient en quatre lettres : Ozzy. Le chanteur sur les épaules duquel la reformation du groupe repose a toujours refusé d’interpréter les chansons qui n’ont pas été écrites pour lui. Si on comprend aisément qu’ils n’ait pas le coffre nécessaire pour s’aventurer dans le répertoire des autres frontmen (y compris Tony Martin), on peut regretter que le Madman ait choisi de concentrer la quasi totalité des setlist des concerts données depuis la reformation sur les quatre premiers albums, à tel point que les fans ont fini par qualifier de Awfull Eight les huit chansons pivot interprétées à tous les concerts de Black Sabbath depuis le live Reunion : « War Pigs », » N.I.B », « Fairies Wear Boots », « Into The Void », « Black Sabbath », « Iron Man, « Children Of The Grave » et « Paranoid ».
Etre considéré comme la pierre angulaire du Metal est un fardeau difficile à porter et il a été fatal à ce groupe qui a sacrifié la créativité sur l’autel de la reconnaissance. Et que devient Tony Martin dans tout cela. Son passage dans la formation historique lui a-t-il rendu service ? Affirmer le contraire serait un peu présomptueux, mais force est de constater que depuis son départ du Sab, le chanteur a du mal à exister autrement que comme ancien frontman de Black Sabbath.
