Un pianiste risque sa vie pour sauver son instrument dans la Syrie de l’État Islamique. Un premier film mélo et brutal au crescendo magistral.
Karim le musicien (interprété avec intensité par Tarek Yaacoub) est sélectionné pour une audition à Vienne. Mais comment fuir son pays, où l’art est déjà anéanti ? Quand les soldats extrémistes s’en prennent à son piano, Karim se lance dans un voyage périlleux pour réparer les touches cassées (le titre original du film est « Broken Keys »).
La barbarie n’a pas d’âge et durera tant qu’on donnera des flingues à des fous. C’est une chose de le savoir, c’en est une autre de le voir. La caméra de Jimmy Keyrouz documente la vie de ces femmes, enfants et vieillards, cernés par des attaques extérieures et un pouvoir local sanguinaire. De l’endoctrinement des enfants à l’exécution publique d’un homosexuel, le réalisateur/scénariste navigue tel son héros parmi l’horreur de la foule muette où les passants (famille? ami? amant?) pleurent des larmes silencieuses.
Dans ce quotidien à l’issue incertaine, Le Dernier Piano avance en équilibriste sans tomber dans le chantage affectif ni la distanciation froide. Il joue sa corde de l’émotion avec justesse, au détriment de personnages parfois peu caractérisés. Dans une scène de rêve saisissante, nous rejoignons enfin Karim dans son désir de vivre et c’est dans le dernier acte que se déploie le rôle de Tarek (Adel Karam), chef des extrémistes et proche de Karim, véritable double en miroir de notre héros.
La musique face à la barbarie : on pense au Pianiste de Polanski d’il y a 20 ans déjà, mais ce Dernier Piano s’impose aujourd’hui avec son actualité brûlante. S’il n’en est qu’à son premier long-métrage, Jimmy Keyrouz a déjà bien compris comment signer un film à la fin puissante. Un élan d’humanité porté par la mélodie de l’espoir et une B.O. langoureuse du franco-libanais Gabriel Yared (Le Patient Anglais, Juste la fin du monde).