Inside Llewyn Davis

Un nouvel opus des frères Coen, ça soulève forcément un peu d’intérêt chez certains. Tous, je ne sais pas mais disons que les fans de The Big Lebowski, O’Brother, No Country for Old Men, True Grit -pour citer la crème- pouvaient dresser l’oreille à juste titre. L’oreille, oui, parce que la musique est toujours un point fort chez ces deux frangins et un élément clé de l’intrigue souvent. Les nihilistes sauce ‘krautrock’, les forçats de la country, ça vous dit forcément quelque chose. Non ?

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Inside Llewyn Davis, ça ne vous aura pas échappé, tourne aussi autour de la musique – il plonge dedans, en fait. On parle beaucoup de Dylan, moi j’ai perçu un peu de Simon & Garfunkel, et puis d’autres aussi… Mais le film des frères Cohen n’est pas une galerie photo de la folk des années 60, non non, c’est avant tout…inside Llewyn Davis. Le parcours erratique et sans complexes d’un chanteur folk à guitare, ex-moitié d’un duo défunt après un disque mort-né, perpétuel « ami de », perpétuel raté aux yeux de ceux qui l’ont vu merder si souvent que ses traits de génie les laissent presque froids. Un loser magnifique, comme on dit (et comme on lit partout) ? Peut-être pas ; magnifique, il l’est quand il chante dans un silence de mort ses mélodies douces garnies de paroles glaciales (the Death Of Queen Jane…) au moment toujours le plus adapté, semble-t-il, à jeter un froid glaçant comme l’hiver où l’histoire se déroule. En dehors, c’est le squatteur attachant et lourdingue qu’ils ont tous été, au début, sauf que lui n’en sort jamais vraiment. Comme le film, il est monté en une boucle infernale qui est peut-être le lot de Llewyn, le résumé de son existence en perpétuel recommencement. Parce que la malchance, parce que la fatalité, parce que… Tout ce que vous voudrez, en fait.

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C’est ce qui se passe à côté dont on se souvient, ce qu’il voit, ceux qu’il croise dans son odyssée du pauvre (ou du poète maudit) : chanteurs loufoques et acteurs tout aussi ratés que lui, en fait. Délicieux de folie douce et d’excentricité, comme toujours chez les Cohen ; mais ils n’emportent pas le film sur les sommets de drôlerie qu’on a pu connaître dans d’autres œuvres, parce que ça n’est pas le sujet. Ils passent, ils s’échappent, un peu comme un chat quand on laisse la fenêtre ouverte et qu’on est dans une ville où les escaliers de sécurité tombent des façades, comme le lierre sur les murs des vieilles maisons. On regarde et on écoute ; et on pense à tous ces types dont les chansons merveilleuses nous tombent un jour dans l’oreille – pour qu’on découvre qu’ils jouent depuis 40 ans des morceaux qui n’ont jamais percé, faute de pouvoir en faire des tubes à royalties. Inside Llewyn Davis soulève la question, le dilemme aussi vieux que les appareils à enregistrer du son : la musique doit-elle viser une portée universelle, ou bien y a-t-il deux poids et deux mesures, ‘deux catégories qui diviseraient le monde’  entre profusion bas-de-gamme touchant tous les cœurs sans l’ambition de vraiment les prendre, et chefs d’œuvre élitistes, gravés sur des disques perdus au fond d’un carton que leur auteur désabusé n’aura pas même voulu brader pour payer son loyer ? Qui sait. Mais on ressort de ce film nostalgique, « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Et puis…« 

L'alternative à Llewyn Davis...
L’alternative à Llewyn Davis…

Et puis, on remet le disque sur la platine. J’aime beaucoup.

 La bande-annonce : 

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