Jean Teulé, Adieu l’artiste !

Lire un Teulé c’est comme une soirée entre amis, ce sera toujours trop court. Mon premier c’était « Je, François Villon », j’ai été conquise de suite. Je connais mal le bédéaste qu’il était, je n’en lis jamais. J’ai croisé son image télé dans les meilleures années Canal mais sans plus. La radio, ce média qui pénètre au plus près du centre névralgique et émotionnel, m’a fait entendre et apprécier ce bonhomme qu’était Jean Teulé. Bonhomme au sens le plus exact, un homme bon et généreux en rires communicatifs, truculences, anecdotes de tout poil. L’Histoire avait en lui un passeur extraordinaire, comment ne pas être subjugué en écoutant Jean, il faisait vivre ses livres de sa gouaille incomparable, parfois il en disait trop pour le lecteur qui veut garder le sel de la découverte. Il était ainsi, volubile, bavard et passionné. Passionnant.

jean teulé

Il raconte, racontait (un type aussi vivant ne devrait jamais se raconter au passé) qu’il était devenu écrivain par cupidité, une éditrice, Élisabeth Gille, lui propose un contrat pour Julliard mais surtout un chèque de 50000 francs qui lui faisait de l’œil dans cette période où il était un peu à sec, il a signé et l’aventure a commencé. En 1991 paraît « Rainbow pour Raimbaud », « Ô Verlaine » en 2004, puis « Le Montespan », « Le magasin des suicides »…tant et tant d’autres sucreries littéraires. Quelques œuvres sont devenues des films, pièces de théâtre ou adaptations BD.

jean teulé livres

Il aimait l’Histoire, la poésie mais plus sûrement les êtres et leurs travers qui rendent leurs actes et leurs vies, cocasses. De Raimbaud à Baudelaire en passant par Verlaine ou encore le Montespan, ce cocu magnifique, des êtres bancals, méchamment torturés, Jean Teulé les croquait dans leur quotidien, leurs imperfections, se réjouissant des expressions des époques passées, souvent à connotation grivoise pour le plaisir du lecteur et de l’auteur. Il disait ne jamais lire de romans pour ne pas se couper les pattes « …Je n’ai pas envie que ça me coupe les pattes, et de me dire: s’il y a des mecs qui écrivent comme ça, c’est pas la peine que je prenne un crayon ». 

Je l’ai rencontré une fois, brièvement. Un salon du livre à Quimper (le seul qu’il n’y ait jamais eu depuis mais c’est une autre histoire). La faïencerie où je travaille était partenaire et j’avais accepté, par intérêt Teulé, de travailler en boutique ce samedi là. Beaucoup d’auteurs étaient présents, quelques pointures : Gonzague Saint-Bris, Vincent Cespedès, et JEAN TEULÉ ! Le seul qui m’importait.

La fan de base…incapable de dire des choses intelligentes, j’adore vos livres gnagnagna…à claquer. Mais j’avais mes dédicaces et le souvenir de sa gentillesse, son mètre quatre-vingt seize de bonhomie, une photo avec ses bras qui m’entourent et son sourire, et tous les mots que j’aurais dû dire qui se battent encore dans ma tête.

Mourir d’un repas de boulettes de viande…il l’aurait raconté avec force truculence. Nous restons vides face à ce croche-patte si soudain.

« Si la vie des hommes durait mille ans, il faudrait en avoir du regret. Mais, étant si courte, il importe peu qu’ils la perdent vingt ans plus tôt ou plus tard. »
Le Montespan de Jean Teulé

(Oui mais tout de même, Monsieur Jean Teulé, vous auriez mérité vingt années de plus !)

 

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