Universal Studio, pour certains, cet emblème de la production cinématographique Hollywoodienne n’est qu’une boîte de prod friquée comme tant d’autres. Mais pour d’autres ce mot est synonyme de l’âge d’or des célèbres monstres adaptés pour la plupart de la littérature fantastique du 18 et 19ème siècle. Entre les années 20 et 50 les Universal Monsters seront l’une des plus grosses licence fantastique du cinéma. Dracula de Stocker, Le Dr Frankenstein, son monstre et sa fiancée de Shelley, l’homme invisible de Wells, le fantôme de l’Opéra de Leroux, le Dr Jeckyl et son double Hyde de Stevenson ainsi que la créature du lagon noir et la Momie auront tous droit à plusieurs films, suites et autres crossovers de plus ou moins bonne qualité. Les plus connus sont depuis longtemps devenus des classiques du 7 ème art les autres de bons petits films de Drive In. Ils révéleront au monde d’immenses acteurs qui entreront dans l’après légende Hollywoodienne tel que Boris Karloff, Bela Lugosi, Claude Rains, ou Lon Chaney JR.
En ces temps du noir et blanc ultra léché, aux images irréprochables et à l’esthétique onirique, Universal avait quasiment créé une sorte d’univers horrifique plus ou moins cohérent à l’instar de Marvel, Star Wars, DC ou Star Trek des décennies plus tard. Il faut dire que les réalisateurs à la tache à l’époque étaient loin d’être les yes men de maintenant, c’était de véritables maitres de la narration et de l’image. Tod Browning, Karl Freund et James Whale pour ne citer qu’eux ont offert leurs lettres de noblesses au cinéma de ce siècle commençant. Et c’est ce fameux Monsteverse qu’Universal à décidé de ré-exploiter à des fins pécuniaires bien entendu et aussi afin de remettre au goût du jour le bestiaire dont elle est propriétaire depuis presque un siècle. Alors oui depuis cet âge d’or qui dura presque 30 années Universal à produit diverses adaptations de ses monstres sacrés. De gros réalisateurs s’y sont attelés. Certains pour le meilleur le loup garou de Londres de John Landis d’autres pour le pire la Momie de Stephen Sommers. Mais jamais plus les monstres ne se sont retrouvés réunis dans un univers cohérent et soigné.
Durant l’année 2013, Universal se lance donc dans la création de ce qui va s’appeler le Dark Universe. Les pontes contactent donc deux yes men Alex Kurtzman et Chris Morgan pour développer tous les monstres de leurs catalogue horrifique classique et décident que le premier film à développer sera la Momie. Ils décident dans le même temps que cette nouvelle franchise sera plus dans une veine action, plutôt que d’horreur. Ce qui déjà n’est pas forcément rassurant. Réinventer et remettre au gout du jour, du djeuns, voir même du beauf ne supportant pas le vintage dans certains cas. Traduction d’Alex Kurtzman « réinventer et de les réintroduire à un public contemporain» et de préférence en créant un mélange d’horreur soft pour adolescents et d’action.
Etrange et inquiétante direction car après le plus ou moins échec critique de Dracula Untold (2014) qui pourtant était loin d’être honteux et ne prenait pas son publique pour une meute de crétins, Kurtzman et consort décident que le le premier opus du Dark Universe sera La Momie et annonce par la même occasion que le second film sera une réadaptation du chef d’œuvre de James Whale La Fiancée de Frankenstein, qui sera mis en scène par le réalisateur talentueux mais inégale Bill Condon ce qui est plus que légitime vu que l’homme bien avant de pondre des remakes indigeste de La Belle et la bête et des Twilight 4 et 5 était un honnête artisan qui avait pondu le correcte Candyman 2 et surtout le magnifique Gods & Monsters avec Brendan Fraser et Ian Mc Kellen qui n’était autre que le film sur les dernières années du réalisateur James Whale et la fabrication de son chef d’oeuvre la Fiancé de Frankenstein.
Mais revenons à ce blockbuster car c’est bien de ça qu’il s’agit et de ce qu’il en résulte. Tout d’abord La Momie qu’est ce que ça raconte ? De nos jours en plein conflit avec Daesh, Nick Morton (Tom Cruise) un pilleur de tombe un peu crétin exhume plus ou moins accidentellement le tombeau prison de la momie de Princesse Ahmanet (Sofia Boutella), une vaniteuse gamine gâtée pourrie de l’Egypte ancienne ayant assassiné père, belle mère et petit frère afin d’avoir le pouvoir et conquérir le monde avec l’aide des forces du mal qui sont très méchantes. Ramenée dans Londres via une organisation secrète dirigé par l’ambivalent Dr Henry Jeckyl (Russel Crowe), la Momie en titre va bien entendu se faire la malle et faire le mal sans mal sur son passage en en profitant pour transformer tout les males qu’elle croise en zomblards à son service. Le vaillant Tom Cruise, sa compagne sans charisme et les centaines de militaires à sa poursuite parviendront ils à l’arrêter ? Très certainement oui. Mais ça on le savait vu que le nom du nain, narcissique scientologue est écrit en gros en haut de l’affiche.
Mais bon après un résumé aussi généreux et qui cache mal ce que j’ai pu penser de ce film, passons justement à ce que j’en ai pensé. J’apprécie l’idée de remettre en avant mes monstres préférés, mais je dois reconnaitre que dès la mise en chantier du projet et l’annonce de l’arrivée de Tom Cruise en tête d’affiche votre serviteur a vraiment commencé à douter. Peu importe ce que l’on pense de la vie (pas si privée) du gourou sciento le plus insupportable du monde, il n’en est pas moins un excellent acteur. Si vous aviez un doute regardez le magnifique Magnolia ou Tonnerre sous les Tropiques où justement il n’est pas tête d’affiche et où pourtant il prouve qu’il est un sacré monstre Hollywoodien. Mais dans un projet comme celui-ci, tout talentueux qu’il soit, il n’y a absolument rien à faire. Du coup en plus il est vraiment mauvais dans ce rôle d’aventurier générique. Une fois de plus Cruise fait du Cruise et reprend sous un autre sobriquet le même rôle que dans les Missions Impossible, Jack Reacher, Top Gun et autres Cruiseries à sa gloire. Que vient il cachetonner dans un revival des respectables figures fondatrices du fantastique ? Et bien je viens de le dire il cachetonne et du coup même si il nous offre de beaux moments pleins de cascades et de rebondissements qui n’ont eux aussi rien à foutre dans un film d’horreur. Il participe et amplifie le pseudo ratage de ce film événement.
Donc passons les aventures du nain bondissant et intéressons nous à la Momie en titre qui vous l’avez certainement constaté est quand a elle bien plus en forme que Jeanne Moreau, notre Momie star du cinéma hexagonale. Et de ce côté le choix de Sofia Boutella la talentueuse Franco Algérienne qui cartonne de plus en plus et qui commence à collectionner les rôles de créatures depuis qu’elle a campé une alien sexy et téméraire dans le dernier Star Trek. Et bien même si son rôle est loin d’être un rôle de composition, elle ne démérite pas et nous offre une vision nouvelle, féminine et hargneuse de la reine aux bandes Velpeau. Je dois dire que les seuls passages dignes d’intérêt résident dans ceux où elle est à l’écran et encore pas tous. Si au début la zombinette à bandelettes n’est pas dans une forme athlétique, on a droit à une momie bien dégueulasse qui pourrait même bien être l’une des plus belles jamais vu sur grand écran.
Alors ok elle est en CGI et en motion capture, mais le résultat s’il n’est pas bluffant comme il devrait l’être (comme le sont les singes du prochain Planète des singes par exemple), est loin d’être honteux non plus comme l’étaient l’abominable momie en CGI des 3 Momies de Sommers et Cohen. Alors oui je me remets dans le contexte, la CGI à cette époque n’était pas au niveau où elle en est de nos jours, mais dois je vous rappeler la qualité optimal des CGI des quelques de Jurrassic Park réalisée par les mêmes gens de chez ILM et des années auparavant ? Non je suis désolé, par rapport à ce qu’on était déjà capable de faire à l’époque les CGI des Momies des années 90 et 2000 étaient tellement à la ramasse que ça m’a empêché de réellement apprécier ces gentilles gaudrioles qui déjà étaient de belles trahisons du matériel de base. Mais là je m’égare.
Donc en outre les CGI de cette nouvelle mouture sont correctes mais inégales, de plus on ne sait pas pourquoi mais la Momie Boutella est tellement retouchée numériquement par moment qu’elle ressemble parfois à une palette graphique photoshop ambulante, pleine de flous gaussiens et de sur colorations inutiles. C’est dommage car la jeune femme est pourtant largement assez jolie, magnétique et bien mise en valeur par une photographie somme toute assez réussie. D’ailleurs l’autre véritable problème du film, qui devrait pourtant quand à son statut de film d’horreur comporter même pour nos temps modernes un minimum de maquillages, est qu’il n’y en a quasiment pas. Du coup ils sont tous exécutés à la palette graphique et par moment c’est réellement bien trop voyant et on a l’impression de regarder des mauvais morphings des années 90 en particulier vous le constaterez sur le personnage qu’incarne Russel Crowe (qui est limite ridicule au passage). Et c’est vraiment bien dommage.
Il y a aussi des pompages éhontés dignes de ceux qu’à l’habitude de faire notre gros Besson national, ici pompage en règle de l’un des éléments principaux du loup garou de Londres de John Landis : L’apparition fantomatico zombiesque du pote mort et maudit errant dans les limbes venu prévenir le héros que ce dernier est aussi maudit. Pataud et assez ridicule d’autant plus qu’ici encore, le maquillage numérique est risible.
Alors que reste t-il de ce premier essai plus ou moins raté du Dark Univers pour Universal ? Et bien si ce n’est que de jolies scènes où notre momie déambule dans une vieille église et contamine pompiers et ambulanciers de la même façon que Mathilda May le faisait dans le fabuleux LifeForce de Tobe Hopper en 1985 la nudité intégrale en moins. Des scènes pleines de zombies en CGI pas trop mal faits, et une première demie heure de film bourrée d’action et d’aventure assez réussie. L’ennui ne met pas longtemps à pointer le bout de son nez et le traitement puérile des personnages, des enjeux et au final de cet univers filmique connecté finit par en devenir ridicule. Pour un premier essai le Dark Universe se plante quand même pas mal et l’on est en droit de flipper un peu pour l’avenir. Autre bon point pour ce film, le son, et oui un point auquel je ne fais jamais vraiment attention, mais ici le travail sonore est particulièrement efficace et soigné.
En gros La momie est un coup dans l’eau jaunâtre et stagnante d’un urinoir bouché de McDonald. C’est bien dommage, vraiment bien dommage. Ce qui rehausse d’ailleurs la vision que je peux avoir des films d’équipes de super héros comme Avengers que je n’apprécie pas forcement, car eux au moins leur univers reste cohérent et la débilité flirt correctement avec le brio. Ici a vouloir faire de l’horreur light, pour le grand public, Universal ne va pas du tout dans la bonne direction. C’est dommage car même si je ne suis pas super fan des momies avec Brendan Fraser, qui pourtant eux aussi sont tout public, ils avaient le mérite d’être bien réalisés, assez fun et de ne pas se prendre au sérieux. Ici les touches d’humour apportés par Tom Cruise ne sont jamais vraiment drôles et n’aident pas vraiment le film qui ne parvient jamais a savoir sur quel pied danser. Alors certes je ne demande pas de gore, loin de là, mais un minimum de sensibilité et de respect pour les matériaux d’origine. Le côté crossover de personnages ne me dérange pas, surtout qu’il a déjà été fait avec les mêmes Universal Monsters durant 30 ans sans jamais être ridicule. Quoi que par moment ça pouvait arriver. Mais ça restait toujours sympathique et bon enfant. Ici les personnages sont assez peu écrits et on a du mal à s’y attacher. L’essence de ce qui en faisait des personnages cultes n’est ici jamais exploité. C’est bien dommage car par exemple dans une série TV de grande qualité en 3 saisons intitulée Penny Dreadfull ces créatures cultes sont magnifiquement mise en valeur.
Du coup on verra bien ce qu’il adviendra de ce Dark Universe. En espérant que le personnage inapproprié de Tom Cruise n’y apparaisse plus avant longtemps. Et que les réalisateurs qui vont se coltiner les prochains Frankenstein, Wolfman, Homme invisible et consorts se sentent plus concernés par les monstres cultes qu’ils traitent et cessent de nous pondre des ersatz de film d’horreur comme ce bien dommageable Momie, qui si il se laisse regarder, ne marque pas d’une pierre blanche le retour de la vengeresse revenante aux bandelettes… Surtout lorsque l’on apprend que le génial Javier Bardem va camper le monstre de Frankenstein, Angelina Jolie sa fiancée, Johnny Depp l’homme invisible, Dwayne Johnson le loup-garou et j’en passe. Du beau monde, mais si ces futurs opus sont du niveau de cette momie, il vaudra mieux passer son chemin. La faute à un réalisateur showrunner qui ne respecte pas le matériel qu’il retravaille et n’est clairement pas l’homme de la situation pour un tel projet. Pourquoi ne pas demander à de vrais passionnés du genre comme l’amoureux Guillermo Del Toro que j’aime beaucoup, même si je ne suis pas fan de tous ses films, ou un Rob Zombie qui mettrait de un peu d’eau dans son sang, ou même un Spielberg qui saurait amplement mieux respecter cet univers.
Pour résumer le fond de ma pensée vis à vis de ce pseudo foirage, je vais vous laisser découvrir ce qu’à dit celui que je considère comme un maitre et surtout que je sais être un véritable amoureux des Universal Monsters à propos de ce Dark Univers :
« Ce n’est pas nouveau. Si vous vous souvenez d’Universal dans les années 40, une fois qu’ils avaient fait leurs classiques, ils ont commencé à les croiser. La Maison de Dracula, La Maison de Frankenstein, Frankenstein rencontre le Loup-garou, vous savez comment ils appelaient ce genre de film ? Les monstres se rallient ! (rires) (…) Deux Nigauds contre Frankenstein est en fait un film très drôle et très respectueux des monstres. Je pense que c’est peut-être l’un des problèmes avec le Dark Universe d’Universal, il n’est pas respectueux des monstres. Mais parfois ils veulent réinventer des films et ça fonctionne très bien, regardez La Mouche de David Cronenberg ou The Thing de John Carpenter. »
Dixit John Landis
Au final La Momie cuvée 2017 est malgré certains bon passage un joli pet foireux dans une piscine pour bébés nageurs et s’il ravira les fans de boum boum, de Tom Cruise et d’horreur weight watcher, il risque fort de ne pas trop plaire aux amoureux de ces monstres de légendes de la littérature et du 7ème art.
Hank
Quand on prend l’affiche au second degré, voir la tête botoxée de Tom Cruise, avec en titre, La Momie, c’est assez cocasse….
Très bon article cela dit, c’est pas juste une critique ciné, ça va très loin!
le Waw
Merci mec…