Petit dernier de la « trilogie historique » de Tarantino, Les Huit Salopards faisait déjà parler de lui bien avant sa sortie, suite à la fuite de son scénario sur Internet. Le cinéaste, avec son égocentrisme démesuré et son « je le fais / je le fais plus/bon je le fais quand même » nous avait une peu saoulé et beaucoup attendaient le grand génie au tournant. Après la période nazie dans Inglourious Bastards , et la remise en cause de l’esclavagisme au Texas dans Django Unchained, le cinéaste choisit ici la fin de la Guerre de Sécession comme toile de fond à son intrigue. Une tempête de neige, une auberge boisée, et un casting de folie au programme (Kurt Russell, Samuel L Jackson, Tim Roth et Jennifer Jason Leigh pour ne citer qu’eux) composaient l’alléchante recette parfaite pour les interminables dialogues tarantinesques. Le choix du tournage en Ultra Panavision 70 mm, un format qui n’est plus utilisé depuis 1966, et du compositeur Ennio Morricone attisait notre curiosité et nous faisait redouter le pire : l’immense dialoguiste et metteur en scène allait-il s’empêtrer dans un pastiche mégalo de western ? Les critiques aux Etats-Unis, où le film est sorti le 7 décembre, nous confirmaient cette hypothèse : « trop verbeux », « trop long » (2 h 47 tout de même) « trop provoc » et l’on se demandait, fébrile, si le grand illusionniste allait cette fois rater son tour de magie cinématographique.
Le pitch : Vers 1870, un chasseur de primes doit conduire une condamnée à mort à destination. Stoppés par les conditions climatiques, ils se retrouvent confrontés dans une fermette en bois à des hommes tous plus pourris les uns que les autres. Des identités vont alors se révéler, des liens apparaître et des conflits exploser au grand jour. Tout d’abord, pour ceux qui auraient peur de s’ennuyer, car on les comprend, quasiment trois heures de dialogues dans une seule pièce semble un dispositif assez casse-gueule, omettent la singulière et totale maitrise du cinéaste en la matière. Car l’écriture de personnages, la direction d’acteurs, et les dialogues constituent les trois faces d’une magistrale pyramide qui attirent le spectateur vers les sommets du septième art. La bande d’acteurs, tous éclatants de charisme, tout en gueule et en mystère, s’éclatent à interpréter ces huit salopards, tous plus pourris les uns que les autres, avec une élégance rare. Mention spéciale à Walton Goggins, le minable magnifique de la série The Shield, qui réussit à s’imposer ici avec brio parmi les plus grands. Le duo qu’il forme avec Samuel L. Jackson est tout simplement génial. Les dialogues fusent comme des boules de neiges glaçantes et rafraichissantes que Tarantino nous envoie en pleine tronche, prouvant qu’il est loin d’avoir perdu la main.
Les chevaux courant dans la neige, sur une musique de Morricone, dès le début du film, apaisent rapidement nos craintes esthétiques sur le format choisi. La cadre naturel grandiose, les grandes forêts verglacées et le blizzard légitiment tout en poésie le huis-clos, plus menaçant encore. La direction photo, comme toujours chez le cinéaste, brille de sobriété et de beauté : le moindre reflet de lumière nous donne envie d’aller avec eux au coin du feu. Et la mise en scène s’avère efficace, fluide et audacieuse. Vous l’aurez compris le film se révèle visuellement épatant. Mais me direz vous, quels sont les défauts ( car il faut en toujours )? Eh bien pas cette fois car en plus d’être merveilleusement incarné et filmé, le métrage révèle son point d’orgue, le scénario, modifié et perfectionné à trois reprises par le cinéaste.
Difficile de ne pas spoiler quand on évoque la prestidigitation scénaristique du cinéaste, mais il faut bien dire qu’il parvient une fois de plus à détourner en permanence notre attention et à nous surprendre. Les rebondissements et les manigances narratives insufflent du rythme à un film qui ne parait jamais long et qui semble ultra frais malgré le dispositif du huis-clos, le côté gore jusqu’au-boutiste du film et la noirceur des mentalités de l’époque. S’inspirant des séries télévisées western des années 1960 (Bonanza, The Virginian et The High Chaparral), le maître a, contre toute attente, en modernisant avec punch et panache le genre, parfaitement réussi son coup.
Bilan : Un grand film qui vous réconciliera avec le septième art. Un merveilleux Tarantino, si ce n’est un de ses meilleurs.
Garbage Clown
Ta critique me donne bien envie de voir cette dernière livraison de la Tarentule dont mis à part le chef d’oeuvre “Reservoir Dogs” ne m’a jamais non plus transcendé autant que les légions de gens qui ont loué les bienfaits de son “Fiction Pulpeuse”. Ce dernier si il reste un bon film unique en son genre reste fort surestimé par toute une génération qui semble confondre le film par moment un peu chiant et sa BO dont on a eu grand mal a se débarrasser en soirée. Il reste cependant a mes yeux un immense réal double d’un grand dialoguiste. Mais il ne fait que redorer des blazons sois disant ternis. Et c’est son principale talent. Pour moi il est une sorte d’historien du cinéma qui passe à l’acte et qui nous fait redécouvrir des genres (blackspoitation, Grindhouse films et autres) qui avant de passer a sa moulinette DJ cinématographique ne plaisaient plus aux foules. Perso j’ai été très en colère face au fait qu’il ai osé toucher à l’un de mes Westerns spaghettis préféré “Django” qui si il démarre fort bien s’enlise dans une seconde partie de film insupportablement chiante qui n’a d’intérêt que le fait d’exposer la face cachée et sordid du souriant Uncle Benz campé par un Samuel L Jackson mal maquillé.
Mais franchement à te lire, j’ai fort envie de voir ce qui semble être un “Reservoir Dogs” situé dans le Far West du “Grand Silence” et qui semble défourailler.