Matin pluvieux

matin_pluvieux

Le ciel en colère au-dessus de moi déverse des torrents sur ma tête et bénit mon front. Mes cheveux trempés se collent sur mes joues, ma bouche, et je sais que mon mascara a dégouliné et noirci ma peau. J’ai certainement l’air d’un fantôme ; peu importe.

Le vent a cruellement retourné mon vieux parapluie ; j’ai abandonné son cadavre brisé, tout en ferraille et en toile sombre, au milieu d’une flaque d’eau sale. Il a eu l’air triste lorsque je me suis éloignée, et a tendu un de ses baleines en l’air dans une ultime supplique. Je l’ai ignoré. Tant pis.

J’erre sans but, longe les caniveaux inondés en resserrant mon gilet imbibé de pluie autour de mon corps grelottant. Les bourrasques cinglantes essayent désespérément de me balayer ; j’ai l’impression que je dérange les éléments dans leur envie de nettoyer les rues.

Comme la ville est triste, habillée de tout ce gris. Comme les gens sont tristes eux aussi, misérablement courbés sous l’averse glacée, le regard furieux et baissé sur leurs chaussures qui ont pris l’eau. Je les entends penser, pester, jurer contre le monde entier à cause de ce « temps de chien ». Ils trottinent sur la pointe des pieds sans oser courir, en quête d’un abri, de chaleur, d’un thé au miel brûlant.

Et personne ne s’attarde un instant pour écouter les gouttières qui chantent, le claquement de la pluie sur les vitres, ni pour sentir l’odeur discrète de la rare verdure humide. J’ai presque envie de rire, parce que nous sommes vaincus par de simples gouttelettes, par la peur saugrenue d’être tout mouillé.

Contemplation aveuglée, hydrophobie inavouée.

1 Comment

  • Laura Texas
    Laura Texas

    Mon texte préféré.. 🙂

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *