Jason Bourne, héros moderne dont la quatrième aventure cinématographique est sortie cet été, a été comparé à une sorte de James Bond new school. Le tueur à gages repenti est pourtant aussi éloigné du flegmatique espion anglais qu’une Budweiser l’est d’une vodka martini au shaker. Et même si ce quatrième opus ressemble par bien des aspects à la dernière aventure de 007, cette similitude fait surtout ressortir les nombreuses différences et surtout l’incroyable médiocrité du Jason Bourne cuvée 2016
Chez Anotherwhiskyformisterbukowski, on a pour règle de ne pas parler de ce qu’on n’aime pas. Je ne vais donc pas vous parler trop longuement du film Jason Bourne (mais un peu quand même à la fin de l’article).
Si la sortie du dernier épisode des aventures de Jason Bourne ne vous a certainement pas échappé, vous n’avez peut-être pas remarqué que plusieurs médias comparaient Jason Bourne à James Bond, comme le fait cet article du Figaro. Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour affirmer sans l’ombre d’un doute que le seul point commun entre ces deux licences c’est qu’il est peut-être temps de raccrocher les gants et de passer à autre chose. Car dans un cas comme dans l’autre, les productions commencent à sérieusement sentir le réchauffé et les dernières moutures n’ont qu’une très lointaine parenté avec les plus glorieuses aventures des deux héros. A cela, une raison imparable : le monde a changé. Penchons-nous un petit peu sur le dossier Jason Bourne.
Un leurre pour forcer Carlos à se démasquer
En 1980, l’écrivain américain Robert Ludlum publie La mémoire dans la peau. Un roman captivant reposant sur un pitch bougrement malin (qui sera d’ailleurs repris quatre ans plus tard par Vance et Van Hamme pour la bd XIII). Un homme blessé et amnésique s’échoue sur une plage, il a une vilaine blessure et devrait être mort. Ses seuls points de repère : il est polyglotte, son visage a subi d’innombrables opérations de chirurgie esthétique, et ses yeux peuvent changer de couleur. Le caméléon parfait ! Un seul renseignement précis est découvert, collé sous la peau, au-dessus de sa hanche droite, un minuscule négatif révélant le nom et l’adresse d’une banque à Zurich, un numéro de compte et sa signature. Décidé à comprendre qui il est, notre homme utilise le seul indice qui le relie à son ancienne existence, ce fameux numéro et déchaîne alors l’apocalypse. Il découvre qu’on le soupçonne d’être un tueur impitoyable recherché par une mystérieuse organisation (la Treadstone Company) et par un terroriste international nommé Carlos, dit le Chacal, qui semblerait être son pire ennemi. Ainsi commence pour lui, le début d’une traque sans pitié ou l’action ne faiblit pas (de la première à la dernière page).
SPOIL : La Treadstone est une branche secrète de la CIA qui a été créée pour traquer le terroriste international Carlos (qui a vraiment existé, un peu le Ben Ladden des années 70 pour vous donner un ordre d’idée) en inventant un tueur professionnel qui se vendrait aux mêmes commanditaires que Carlos pour forcer ce dernier à s’exposer. Jason Bourne est donc un personnage fictif, piloté par la CIA pour traquer un méchant terroriste. Et en reprenant le costard de Jason Bourne, David Webb (l’amnésique) se met à dos à la fois ses employeurs qui pensent qu’il a été retourné et Carlos qui finit bel et bien à mordre à l’hameçon. Dans les deux épisodes suivants, la traque de Carlos continue jusqu’à l’affrontement final dans La Vengeance dans la Peau où Jason Bourne arrive finalement à tuer sa Nemesis.
L’adaptation cinématographique de la trilogie de Ludlum n’a pas grand chose à voir avec les bouquins pour la bonne et simple raison que plus personne ne sait qui est Carlos et que le contexte a bien changé. Sauf à vouloir faire un film en costume comme La Taupe, il faut impérativement dépoussiérer le mythe et donner envie au public des années 2000 d’aller suer son adrénaline dans une salle obscure en compagnie de Matt Dammon. On dégage donc tout le côté traque de Carlos pour faire de Treadstone une banale Black Op chargée des missions dégueulasses que la CIA ne peut décemment pas assumer. Si le premier volet de la trilogie cinéma ressemble un petit peu à son modèle (mis à part l’histoire de Carlos, la trame est la même), les deuxièmes et troisièmes volets s’en éloignent complètement. La Mort dans la peau (le livre) oblige un David Webb qui a retrouvé la mémoire à réendosser le costard de Jason Bourne pour aller traquer un tueur qui se fait passer pour Jason Bourne. ça se passe à Hong Kong et si vous y voyez le moindre point commun avec le film de Paul Greengrass, je vous tire mon chapeau! La vengeance dans la peau (le livre) signe la fin de la traque de Carlos dans un opus plutôt poussif et répétitif.
Jason Bourne, héros moderne?
Quand on voit Jason Bourne, on comprend pourquoi Hollywood multiplie les remake de tout. Parce que ce Jason Bourne version 2016 n’a qu’une lointaine parenté avec le premier opus de la saga en 2002 et carrément rien à voir (à part le nom du personnage) avec la saga de Robert Ludlum. Pourtant il reprend les codes de la série et les remixe à la sauce à la mode histoire de plaire à un jeune public qui n’a pas envie de se fader les vieux films de la décennie précédente et encore moins les bouquins d’un auteur mort qui parle de guerre froide et d’un terroriste dénommé Carlos que tout le monde a oublié depuis longtemps. Oui, le remake sauce 2016 (et le prochain Ben Hur ne le démentira certainement pas), c’est faire du neuf et du clinquant avec du vieux et du respectable, mais c’est aussi privilégier la forme sur le fonds en noyant la fadeur des personnages sous un déluge d’effets visuels et stylistiques et si possible (mais là non) de la 3D.
Quand je dis une lointaine parenté avec les œuvres précédentes, pour ce Jason Bourne, c’est plus subtil. On dirait que pour fabriquer son dernier produit, Paul Greengrass a librement pioché dans les bons moments des trois précédents épisodes, certaines scène (la poursuite en bagnole finale notamment) ressemblant à s’y méprendre à celles tirées d’autres épisodes de la franchise (la poursuite en bagnole dans Moscou de l’épisode 2). Au niveau des personnages, c’est pareil, très prévisible. On prend les mêmes et on recommence. Comme toujours un directeur de la CIA complètement pourri, secondé par un tueur sans âme, sans pitié et sans profondeur (Vincent Cassel). Une femme carriériste qui finit par douter des motivations de Jason, se disant qu’il ne peut pas être aussi méchant que le directeur de la CIA le prétend et qui va jusqu’à trahir son camp pour faire triompher la justice (et Jason Bourne) : je ne vais pas vous faire un tableau croisé mais on retrouve ce trio dans tous les autres épisodes de la saga.
Il y a aussi (mais ça commence à devenir une habitude dans les films d’action made in USA) des failles scénaristiques et des raccourcis (l’identification du hacker, un grand moment) et un prétexte au film (ce fameux attentat de Beyrout) qui rendent le spectacle difficilement supportable pour un spectateur de plus de 12 ans. A trop vouloir privilégier l’action et la succession de scènes choc, on finit par perdre de vue l’essentiel : un bon film repose avant tout sur une bonne histoire. Ici, point de bonne histoire, tout est vu et revu, sans la moindre originalité.
Mais outre cette galerie de personnages très convenue et ce scénario risible, ce qui m’a vraiment gêné, même si c’est dans l’air du temps, c’est le montage épileptique : quasi que des plans serrés, dont pas un ne dépasse les cinq secondes, avec une musique de fonds omniprésente (pour masquer la vacuité des dialogues, peut-être). On se croirait dans un trailer, un clip, bref, le spectateur est soumis à un déferlement d’images difficiles à interpréter (pour masquer les failles du script peut-être) et finalement, il perd le fil et choisit de subir tout cela en attendant le générique de fin salvateur.
Vous l’aurez compris, ce film a tout du produit formaté, il n’a plus rien à voir avec l’essence même de la saga et ne mérite même pas le quart d’heure que je viens de passer à en écrire la critique.
Bizdou
Merci pour cette critique intéressante. A mon avis le dernier Jason Bourne est juste un film adressé aux fans nostalgiques comme c le cas avec Star Wars etc. J’ose espérer que la critique est encore plus severe pour James Bond qui n’a plus aucun intérêt à mon sens avec un personnage devenu encore plus caricatural. Mais cest le destin des agents secrets JB (Bond, Bourne et Bauer) Hollywood avec ses sempiternels reboots donnent l’impression qu’il n’existe plus de sources d’inspiration actuelles plus en phase avec notre époque. Certains voient désormais une femme remplacer James bond! A croire que les bons scénaristes boycottent le cinéma et sont du côté des séries tv!