Throne Of Saturn, c’est une histoire banale. Celle de deux potes qui répètent depuis des années dans leur garage de Rhode Island. Un beau jour, ils proposent à un pote de prendre le micro. Ce dernier n’a jamais chanté dans aucune formation mais il touche sa bille au karaoké…
Voilà donc les trois larrons qui jamment ensemble et le miracle s’opère, le vocaliste est exactement dans le ton recherché par le gratteux et le batteur. Prenant de l’assurance, la bande se fait groupe, se baptisant THRONE OF SATURN et donne quelques sets localement. Une histoire commence et nos amis se disent qu’il serait bien d’en conserver la genèse pour la postérité en enregistrant un disque. Vous savez comment cela se passe dans ces cas là. Quatre pistes sont mises en boîte par le trio. Autoproduction totale. Sauf que nos copains décident de confier le mixage à des pros, ce qui est toujours une bonne chose. Voici donc Throne Of Saturn, EP éponyme créé, conçu et produit par une bande de parfaits inconnus.
Cette ingénuité donne au projet un petit côté mystérieux pas désagréable. Pas de dossier de presse interchangeable, pas de superlatifs pompeux, pas de page wikipédia bidonnée, même pas une page facebook dodue. Faire une recherche web sur le gang ramène systématiquement vers les sources de son nom (un livre de science fiction écrit par Allen Drury en 1971 et parlant de la conquête de la planète Mars!). Une éventuelle interview pourrait nous éclairer mais en attendant, on suppose que le Saturne qui a inspiré la musique est plutôt celui qui dévore son fils sur la toile de Goya choisie par THRONE OF SATURN pour illustrer son EP.
Musicalement, les ricains citent comme références ISIS, NEUROSIS, CULT OF LUNA, BARONES et MASTODON, vous pouvez donc vous imaginer qu’ils ne font pas exactement dans la gaudriole. Non, Throne Of Saturn, c’est du Doom douloureux et tourbé. Le son est crasseux comme il se doit, mais le mixage est bien propre. Les instruments sont mis légèrement en avant tandis que le chant semble venir de la pièce de derrière, on du fonds de la cave, quoique l’effet de reverb ne soit pas exagéré comme c’est parfois le cas. C’est une voix lointaine mais qu’on entend bien clairement, et c’est une bonne chose car elle donne sa personnalité au projet.
La musique est sympa mais sans folie. C’est un mid tempo très lourd avec une rythmique plombée et une batterie énergique. Le riffing est accrocheur mais il ressemble beaucoup à une collection de riffs empruntés à d’autres. Les guitares doublées donnent du corps à l’ensemble et le chant, véritable pièce maîtresse des compos, habite littéralement la musique, avec un accent traînant et langoureux comparable à celui de Ozzy Osbourne et de son fils spirituel, Uncle Acid. Les quatre chansons sont une déclinaison d’un même concept qui, outre les inspirateurs cités plus haut, rappellent souvent l’ambiance délétère de la chanson Black Sabbath, une impression confortée par le choix de la date de sortie : le 31 octobre 2016, pour Halloween, si ça n’est pas un message clair et net, je ne sais pas ce qu’il vous faut !
Loin d’être un produit standardisé ou la énième resucée d’un Doom entendu mille fois, THRONE OF SATURN tire son épingle du jeu avec un projet entouré d’une aura de mystère qu’on croyait totalement disparue depuis l’avènement des réseaux sociaux. La force du disque c’est justement qu’on ne sait pas trop d’où il vient et même si la musique n’est pas très originale, la réalisation et les ingrédients ont de quoi vous habiter pendant quelques heures.