Le film de David Fincher atteint l’âge légal pour picoler aux USA. Une occasion en or pour s’en reprendre plein la tronche.
Sorti fin 1999, Fight Club est de ces films qui marquent un cinéphile, surtout adolescent. À l’aube du nouveau millénaire, le terrorisme international n’occupait pas encore la une des médias du monde et Internet n’en était qu’à ses balbutiements. Pourtant, le film arrive à évoquer ces bouleversements à venir dans un élan prophétique et ricaneur.
Il résonne avec deux autres productions « techno » sorties à quelques mois d’intervalle : Matrix et Requiem for a Dream (avec qui il partage Jared Leto). Une humanité droguée, soumise aux machines ou à sa simple incapacité à construire quelque chose, à s’ouvrir à l’autre. Fight Club annonce le « bug de l’an 2000 », ce hoax qu’il aurait aimé voir advenir.
Where is my mind ?
Comédie noire, parabole sur l’endoctrinement, manifeste pop : on peut résumer le film de bien des manières. On dira juste que c’est l’histoire d’un gars qui pète un plomb en cherchant un sens à sa vie. Sa réussite matérielle cache un vide émotionnel qu’il comble à grand renfort de misère en visitant des groupes de soutien. Il se confronte à l’abîme, au néant, pour être sûr de pouvoir enfin ressentir quelque chose. C’est un film sur l’addiction : ce qui nous tue ne nous rend pas toujours plus fort. C’est une œuvre qui ose dire qu’on ne peut trouver en soi seul la clé de l’accomplissement.
Generation Next
Le film signe l’apogée d’un studio : la Fox, à l’époque noyée dans les dollars grâce à Titanic et qui vient de relancer Star Wars avec le raz-de-marée La Menace Fantôme. Entre ces vagues, et sous l’impulsion du patron Bill Mechanic, des réalisateurs casse-cou tentent le coup : Jean-Pierre Jeunet avec Alien, la résurrection, Danny Boyle avec La Plage, et donc Mister Fincher. Ce génie de l’image utilise toute son expérience (clips, pubs, effets visuels) au service d’une histoire à la fois sérieuse et puérile.
L’autre, c’est moi
La grande théorie de l’alter ego du narrateur, Tyler Durden (joué par Brad Pitt dans ce qui reste sa meilleure performance à ce jour), est que nous sommes abandonnés par nos pères et donc incapables de nous projeter dans un avenir autre qu’en ruines. Dans une ultime révélation, Tyler s’avère être le prolongement du protagoniste. Son projet fou et sa contradiction sont issus du même cerveau malade, celui-là même où nous étions plongés dès la séquence d’introduction. Il est notable que l’autre film « à twist » sorti cette année-là (Sixième Sens) opère la même transformation. Le soutien du jeune héros y est un personnage « fantôme » qu’il convient de ramener aux limbes. Brad Pitt & Bruce Willis, peut-être les deux plus grandes stars à l’époque, doivent disparaître. La même année, Tom Cruise se livre à un exercice de déconstruction de son image dans Magnolia.
« Révolution », ça veut dire « revenir au point de départ »
Finalement, le film n’est qu’une histoire d’amour entre un narrateur enfin capable d’oublier ses mots et une héroïne souffrant des mêmes maux. Une femme qui ne s’en laisse pas conter et qui quitte son prince en chantonnant pour mieux le retrouver : la bien nommée Marla Singer. Fight Club est une comédie romantique.