WHISKY OR NOT WHISKY #14 / BARON NOIR (AVEC SPOILERS)

Produite par Canal +, la sĂ©rie Baron Noir nous replonge dans les Ă©lections prĂ©sidentielles et lĂ©gislatives de 2017. Bien qu’Ă©tant considĂ©rĂ©e comme une fiction politique, cette deuxième saison Ă©met de nombreux parallèles avec le climat sociĂ©tal et gĂ©opolitique rĂ©cent de notre pays. Mais Ă  force d’ĂŞtre vraisemblable de la rĂ©alitĂ© française – et du contexte actuel des attentats qui frappent l’Europe – Baron Noir devient rapidement une pâle caricature et une vaste parodie des luttes et des enjeux politiques que la sĂ©rie prĂ©tend mettre en scène.

Tout commence alors que la candidate du PS AmĂ©lie Dorendeu (Anna Mouglalis) affronte un candidat FN au second tour des prĂ©sidentielles. La droite LR a Ă©tĂ© battue, tout comme le parti Debout Le Peuple de Michel Vidal (François Morel) qui reprĂ©sente la gauche de la rupture. A l’issue du scrutin, AmĂ©lie Dorendeu est Ă©lue avec 53% des voix tandis que 25% des Ă©lecteurs se sont abstenus. Il va falloir maintenant constituer une majoritĂ© socialiste Ă  l’AssemblĂ©e Nationale.

baron noir

Afin de remporter les lĂ©gislatives, AmĂ©lie Dorendeu s’entoure de Philippe Rickwaert (Kad Merad) qui vient de sortir de prison. Dans la première saison, Philippe Rickwaert – issu du milieu ouvrier – Ă©tait le dĂ©putĂ©-maire PS de Dunkerque. Conseiller de l’ancien prĂ©sident socialiste Francis Logier (Niels Arestup), Philippe Rickwaert est surnommĂ© le « Baron Noir » par ses pairs, Ă©lĂ©phants du PS comme jeunes militants du parti. Il s’est notamment distinguĂ© par son mandat de Ministre du Travail oĂą il s’est peu Ă  peu positionnĂ© comme frondeur socialiste dans le gouvernement de Logier.

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L’objectif de Rickwaert est clair : il veut ĂŞtre la pièce maĂ®tresse dans la refondation de l’union de la gauche, en amenant notamment Vidal Ă  Dorendeu. Mais en coulisses, la nouvelle prĂ©sidente socialiste joue double-jeu en se rapprochant de l’ex candidat centriste Thorigny. Elle a officieusement l’intention de conclure un accord avec le centre afin de faire barrage Ă  l’extrĂŞme droite, et cela en nommant Thorigny comme Premier Ministre de son gouvernement.

StratĂ©gies politiques, frondeurs socialistes, jeux d’alliance, « sociale-dĂ©mocratie » libĂ©rale, progressisme, danger des extrĂŞmes… Il s’agit lĂ  d’une liste exhaustive des thĂ©matiques et des idĂ©ologies que Baron Noir aborde. Les huit Ă©pisodes de la deuxième saison mettent Ă©galement en scène de nombreux personnages secondaires qui sont dĂ©putĂ©s, militants ou ministres. Parmi eux, il y a notamment les fidèles alliĂ©s de Rickwaert : VĂ©ronique Bosso (Astrid Whettnall), ancienne membre de son conseil municipal, ou encore Cyril Balsan (Hugo Becker), nouvellement Ă©lu dĂ©putĂ© du Val de Marne et reprĂ©sentant des quartiers populaires. Sous fond de dĂ©bats sur la laĂŻcitĂ©, sur la mixitĂ© sociale et de lois sur la santĂ©, Baron Noir porte Ă  l’Ă©cran les trahisons des uns, les changements de parti des autres. La sĂ©rie n’oublie pas non plus l’importance des mĂ©dias publiques et privĂ©s ; et les liens que ces mĂŞmes mĂ©dias entretiennent avec la vie politique…

baron noir

Je n’ai pas besoin d’aller plus loin dans l’explication du pitch pour que vous saisissiez les couleurs et la lecture de Baron Noir : la sĂ©rie met littĂ©ralement en scène la dĂ©bâcle du PS, la politique de la France Insoumise et l’avènement de En Marche Ă  travers ses personnages qui ne sont pas franchement fictionnels. Didactique, cette seconde saison dresse une synthèse sans intĂ©rĂŞt des mois de Mai et de Juin 2017. Nul besoin de spoilers : Baron Noir ne fait que rejouer de manière mĂ©diocre nos dernières Ă©lections derrière de pâles caricatures de nos figures politiques.

Le spectateur averti tente vainement de ressentir la volontĂ© de « sĂ©rieux » que les acteurs accordent aux personnages qu’ils incarnent. Malheureusement pour eux, ils ne sont que pastiches et la ressemblance est Ă©vidente : Mouglalis joue une mièvre copie d’Emmanuel Macron (en version fĂ©ministe) alors que Morel s’inspire de MĂ©lenchon sans grand talent.

Etrangement, c’est Kad Merad – pourtant habituĂ© au registre comique – qui s’en sort le mieux dans l’interprĂ©tation d’un militant engagĂ© et convaincu par les valeurs socialistes. Les huit Ă©pisodes qui composent cette seconde saison sont Ă©galement traversĂ©s par des « ersatz » fictifs de Aubry, Hamon ou encore Castaner/Philippe (derrière le personnage de Thorigny interprĂ©tĂ© par Pascal ElbĂ©).

De la même manière, Baron Noir est très loin des grands standings en la matière tels que House Of Cards ou encore Borgen. La série française ne se démarque que par son côté « franchouillard » (justement), et cela malgré les citations et les clins d’œil propres à la culture socialiste : de nombreuses références sont faites à Jaurès, Mendes France, Mittérand ou encore Léon Blum.

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Entre autre, quid du message politique (ou idĂ©ologique) de Eric Benzekri et de Jean-Baptiste Delafon, les crĂ©ateurs de Baron Noir ? Les deux hommes ne semblent pas prendre parti dans la mise en scène qu’ils nous proposent de la vie politique française (ce qui est fortement dommageable).

Sincèrement, cette sĂ©rie se prend beaucoup trop au sĂ©rieux alors qu’elle ne reprĂ©sente qu’une vaste supercherie produite par BollorĂ©. Ni plus, ni moins. J’accorderais tout juste une mention spĂ©ciale aux dialogues qui sont relativement rĂ©ussis et aux punch line qui sont bien trouvĂ©es. Je vous conseille d’ailleurs de regarder cette seconde saison avec un regard dĂ©tachĂ© et un air amusĂ©.

Au final, Baron Noir est une vulgaire comĂ©die politique dont la crĂ©dibilitĂ© s’estompe très vite de par l’illustration bien trop voyante de personnages existant. Une bizarre impression de Guignols de l’Info s’en dĂ©gage alors que la sĂ©rie relève pourtant du genre dramatique. Trop rapidement, la narration vire Ă  la dĂ©rision de nos personnages politiques.

En fait, c’est un peu comme si vous mĂ©langiez une dose de Jack Daniel’s avec deux doses de Cola : ça s’appelle du gâchis pour un sujet toutefois brĂ»lant. Un sujet qui mĂ©rite une bien meilleure rĂ©flexion sur les notions de dĂ©mocratie, de RĂ©publique et de citoyennetĂ© dans notre sociĂ©tĂ© divisĂ©e.

J. M

« Celui qui n’accepte pas la rupture (…) Celui qui ne consent pas Ă  la rupture avec l’ordre Ă©tabli (…) avec la sociĂ©tĂ© capitaliste, celui-lĂ , je le dis, il ne peut pas ĂŞtre adhĂ©rent du Parti Socialiste » (François Mitterand, Congrès de l’UnitĂ© des Socialistes d’Epinay, Juin 1971)

Baron Noir (série actuellement diffusée sur Canal +)

1 Comment

  • Le Waw
    Le Waw

    Pour une fois qu’une sĂ©rie Française donne envie

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