WHISKY OR NOT WHISKY #21 / JANELLE MONAE

Féministe et pansexuelle, Janelle Monae nous dévoile enfin son quatrième album, Dirty Computer. Personnel et intimiste, ce nouvel opus s’adresse justement aux personnes qui se questionnent sur le genre et sur leur propre identité. A travers ces thématiques actuelles de notre société moderne, qu’en est-il de ce LP aux accents de Pop et de R’n’B ? Plusieurs clips de Dirty Computer ont déjà été mis en ligne, dont le très esthétique Pynk, morceau où la chanteuse arbore un pantalon bouffant représentant un vagin.

C’est avec le concept-album The ArchAndroïd – sorti en 2010 – que Janelle Robinson (de son vrai nom) se fait connaître par le grand public. Puisant ses influences dans le film muet Metropolis de Fritz Lang et dans la littérature de Philip K. Dick, The ArchAndroïd est le dernier Maxi d’une « suite » de EP avant-gardistes. Les tubes Tightrope et Cold War sont les succès retentissants de cet album.

En 2013, c’est au tour de The Electric Lady de voir le jour. Ce troisième album a pour titre incontournable la chanson Q.U.E.E.N, en duo avec Erykah Badu. Au départ, le tube Q.U.E.E.N devait s’intituler « Q.U.E.E.R » (« gay » en anglais). Très personnelle, cette chanson est notamment l’occasion pour Janelle Monae de nous parler de son orientation bi-sexuelle ; l’artiste se revendiquant comme étant « une enfoirée au cul libre » dans ses relations avec les hommes comme avec les femmes.

Avec Dirty Computer, Janelle Monae fait de sa propre condition de femme « queer » afro-américaine une cause qu’elle clame haut et fort. Les titres Django Jane, Make Me Feel (teinté d’un univers à la Prince) ou encore Pynk s’inscrivent clairement dans cette mouvance ; mouvance où l’idée majeure est de proclamer que la femme est un sujet fleuve à la sexualité libérée, une combattante qui demeure en lutte permanente.

Dans le cas de Pynk, morceau relativement minimaliste dans sa composition, l’esthétique des tenues nous rappelle que les femmes sont chaque jour victimes de harcèlement et de discriminations diverses. Malgré cette crise de conscience, les femmes continuent de danser, vêtues de « vulves roses », dans un clip co-imaginé par Grimes.

Le grand moment de bravoure de Dirty Computer nous vient du morceau I Like That. En qualité d’anti-Beyoncé, Janelle Monae nous offre ici une ballade mid-tempo mélangeant Soul et R’n’B avec une certaine perfection, le tout dans une ambiance rétro-moderne maîtrisée et minimaliste (de nouveau).

Toutefois, et mis à part les titres promotionnels balancés sur Youtube, Dirty Computer se démarque également comme étant un album inégal. En effet, le reste de ce LP reste faible dans sa musicalité. Les autres titres de cet opus, plus proches d’une Pop basique et fade, sont loin d’être transcendants.

La faute de goût nous vient notamment de l’utilisation abusive d’un vocoder insupportable sur certains morceaux (Screwed, I Got The Juice). De la même manière, les compositions musicales sont faiblardes lorsque l’album revêt des accents de Pop féministe à la façon Cindy Lauper (Take A Byte, Americans). Au mieux, les leitmotiv nous font penser à du déjà-vu dans l’univers de la Pop classique. Et ce ne sont pas les nombreux featuring – comme Zoé Kravitz ou encore Pharrell Williams – qui viennent relever le niveau de morceaux parfois banals et sans réelle originalité.

Au final, la chanteuse se trompe de chemin lorsqu’elle tente de se rapprocher d’une Pop qu’elle ne parvient pas à réinventer. Car, et à contrario, c’est certainement dans sa veine féministe et proche d’un R’n’B minimaliste que Dirty Computer est franchement réussi. Dotée d’un talent certain, Janelle Monae est une artiste atypique dans le monde des Beyoncé, des Kanye West et autres Jay-Z… Un Whisky au genre hybride qui reste hors des tendances machistes du R’n’B.

J.M

Dirty Computer de Janelle Monae (sorti le 27 Avril 2018)

« Je veux que les jeunes filles, les jeunes garçons, les non-binaires, les gays, les hétéros, les gens queer qui ont du mal à démêler leur sexualité, qui se sentent ostracisés ou harcelés juste parce qu’ils sont eux-mêmes, je veux qu’ils sachent que je les vois. Cet album est pour vous. Soyez fiers » (Janelle Monae, The Huffington Post)

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