Cinquante nuances de pas grand-chose

« Il ferme les yeux, inspire profondément et secoue légèrement la tête comme pour répondre à ma question muette. Quand il rouvre ses yeux, il a l’air résolu.

– Anastasia, vous devriez m’éviter. Je ne suis pas l’homme qu’il vous faut ».

 

On a entendu tout et n’importe quoi ces derniers mois à propos du roman Cinquante nuances de Grey. A l’occasion de la sortie du deuxième tome, Cinquante nuances plus sombres, un bilan du premier opus s’impose.

L’intrigue, nous la connaissons tous : Une jeune fille, Anastasia Steele, vierge et extrêmement naïve, qui passe son temps à rêver du prince charmant à travers la lecture des romans qu’elle engloutit, tombe amoureuse d’un prince charmant, Christian Grey, qui ne conçoit la relation amoureuse (et pas seulement les relations sexuelles) que dans un rapport de domination et de soumission, incapable d’aimer autrement. Un Christian Grey en cinquante nuances ? Certainement pas. James voudrait nous le faire croire mais réussit à peine à créer et développer le coté sombre de Christian. Il n’est pas un homme tout en nuances seulement un personnage manichéen.

C’est la première fois qu’un roman à l’eau de rose est en même temps un roman érotique sadomasochiste. Le roman a séduit principalement les lectrices, mais pas seulement les femmes au foyer en manque de frissons, il a touché TOUTES les catégories de femmes, actives ou non, en couple ou célibataires… Cinquante nuances de Grey fait-il l’éloge des relations sadomasochistes ? C’est ce qu’on pourrait penser lorsqu’on lit la presse féminine (Glamour, Grazia et compagnie…) ou même lorsqu’on regarde l’émission La Grande Librairie qui a invité EL James, la désormais richissime auteure de ce « mummy porn ».

Après lecture du bouquin, j’infirme : Anastasia ne signe jamais le contrat que Grey lui propose et qui les conduirait à des relations sadomaso, et finalement, le sexe entre eux est surtout romantique, seulement érotique. Trahison ? Il est clair que de ce coté-là, le roman déçoit. A cela s’ajoute la mauvaise maitrise de la langue de son auteure ou traductrice (dans le cas d’une traduction, difficile de dire qui des deux manipule si mal les mots et emploie un vocabulaire si limité !), ainsi que les clichés grotesques qui décrédibilisent le récit :

 

« Je dois rassembler mes pensées, m’éloigner de lui. Alors que je m’apprête à traverser la rue, je trébuche sur le bord du trottoir.

–          Merde ! Ana ! s’écrie Grey.

Il tire tellement fort sur ma main qu’il me plaque contre lui à l’instant même où un cycliste roulant en sens interdit m’évite de justesse.

Tout s’est passé tellement vite – un instant je suis en train de tomber et le suivant, il me serre dans ses bras. »

 

En ce sens, oui, c’est un pur roman à l’eau de rose. Un vrai roman d’amour, pas un roman érotique. Sans intérêt. Toutefois, il convient de noter que EL James, en qualité de femme sait raconter les histoires d’amour : Elle nous dévoile l’histoire d’amour canonique d’une jeune fille et de l’homme de sa vie. Elle reprend tous nos rêves inconscients d’amour romantique et passionné, ultime. Elle nous fait vibrer par ses descriptions des scènes sexuelles. James est une femme qui sait parler aux femmes du plaisir féminin (à lire donc, pour les hommes qui souhaiteraient éventuellement s’instruire…).

James, qui écrit son premier roman avec des tournures maladroites et construit ses personnages de manière très superficielle (Anastasia et Christian pourraient être n’importe qui, l’un dans le rôle de l’étudiant, et l’autre du friqué…), s’est fait connaitre sur Internet. Son succès lui a permis de trouver un éditeur et les Cinquante nuances de Grey est désormais le livre le plus vendu en 2012. Madame EL James est désormais plus lue au Royaume-Uni que madame Rowling, on ne croyait même pas cela possible… Un nouveau créneau ? Certainement.

En tout cas, le livre aura au moins eu le mérite de m’avoir fait rougir à sa lecture, dans un bus parisien bondé, troublée après avoir relevé la tête au milieu de personnes me semblant d’un coup complètement innocentes…

Le Tome 2, Cinquante nuances plus sombres, ambitionne de nous faire plonger dans les affres de l’univers sexuel de Christian. Hélas (et c’est très malin n’est ce pas…), à la fin du premier opus, on nous « vend » les deux suivants : un plus sombre, un plus clair. On s’attend par conséquent à ce qu’Anastasia signe peut être enfin le maudit contrat qui définirait leurs relations dominant/dominée, s’enfonce dans des plaisirs extrêmes et puis tout redeviendrait guimauve, ils vivraient heureux et auraient beaucoup d’enfants… Je vous tiens au courant.

 

Titre : Cinquante nuances de Grey

Auteur : EL James

Editeur : JC Lattès

ISBN : 978-2709642521

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