Un ouvrier syrien rêve sa vie en apesanteur sur un chantier de Beyrouth. Ne cherchez pas : l’émotion ciné de l’année est déjà là.
Mohammad survit dans un milieu hostile de la capitale libanaise : un chantier comme on en compte des dizaines, ici mais aussi au Qatar et ailleurs. Quand le contremaître cherche un nouvel ouvrier pour gérer la grue, majestueuse et dangereuse, notre héros y voit une opportunité de s’envoler pour enfin vivre passionnément.
On n’est pas peu fiers de vous reparler de Moe Khansa, sa grâce et sa virilité. Il y a bientôt trois ans, l’artiste et danseur nous offrait Khaberni Keef, un premier single en solo qui déjà augurait du meilleur. Transcendant les barrières qui nous enferment, il mêle danse du ventre et chant dans une transe électro qui déborde et palpite. Il a fallu un travail dingue et une équipe de feu pour créer avec lui ce Warsha (qu’on pourrait traduire par « atelier »).
La réalisatrice et scénariste Dania Bdeir s’est intéressée de très près aux grutiers depuis plusieurs années, intriguée par leur petit monde suspendu. À plus de cent mètres de haut, les ouvriers peuvent enfin s’affranchir d’un espace cloîtré et bruyant. Plus près du ciel, certains d’entre eux déploient même leur tapis de prière au sommet de leur grue. C’est ce désir de liberté que la cinéaste nous partage ici, par la grâce d’une immersion presque documentaire et d’un montage sec. En une poignée de plans d’ouverture portés par l’intensité muette de Khansa, l’action est posée et on sait déjà presque tout du personnage de Mohammad. Ses collègues incarnés avec soin offrent un aperçu de ces migrants exploités et quand là-haut l’horizon s’étend enfin, c’est comme si un autre monde s’offrait à nous : les plans respirent et la lumière devient chatoyante.
Grâce à des murs LED HDR (une technologie de pointe utilisée notamment sur la série The Mandalorian), Dania Bdeir parvient à mettre en scène Khansa dans un spectacle d’acrobatie d’autant plus incroyable qu’il est censé se situer au-dessus des immeubles, presque dans les nuages. Le travail de la société française d’effets visuels La Planète Rouge est en tout point remarquable.
C’est la somme de tous ces arts (danse, musique, cinéma) au service d’une histoire à la fois intime et universelle qui fait de Warsha une oeuvre absolument sublime. On avait beau l’avoir vu venir, on est quand même conquis. Le film est reparti de Sundance avec un prix du jury et il est actuellement diffusé au festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand. Et comme le monde est beau, vous pouvez visionner Warsha en toute liberté dès maintenant sur Arte.