Complexe, technique, torturé le 4e album de KDOT est le projet le plus attendu de 2017. Mais le kid de Compton peut-il encore nous surprendre ?
Kendrick Lamar Duckworth s’impose d’aller toujours plus loin dans sa musique. Et il est impossible d’appréhender ses albums sans connaitre son univers. Il peut, sur quelques titres toucher le grand public. Mais l’esthétisme de ses projets n’est pas accessible à tous.
Il est complexe, parce qu’il aborde sa musique sans se soucier de la tendance. Il fait le Hip Hop qu’il aime et c’est au public de suivre. Sur ses projets, s’associent, samples Jazz et featurings Pop. Des beatmakers roi en leur temps comme Alchemist et rookies prometteurs comme Astronote.
Il est la fusion entre, les jeux de mots et le flow de B.I.G, la technique et les revendications de 2Pac. Un genre de Easy-E avec un plus gros bagage intellectuel.
Il a fallu 7 ans à Kendrick pour devenir le Boss de fin du Rap jeu. S’il se frotte sans rechigner à ses collègues, en 2016 il apparait sur 12 featurings. Ça se termine souvent par un Bodybag, comme Sur Holy Keys avec Big Sean ou Goosebumps de Travis Scott.
En solo son travail est différent. C’est un indéniable prodige, mais son vrai prodige serait peut-être de simplifier sa pensée. Depuis To Pimp a Butterfly, son 3e album, ses choix artistiques mettent en lumière la frontière très mince entre le génial et le prétentieux.
TPAB était proche de l’album conceptuel. Et même s’il n’est pas forcément nécessaire de tout comprendre d’une œuvre pour l’apprécier. Il a par ses décisions, rendu l’accès à son travail plus compliqué.
« TPAB voulait changer le monde, DAMN rappel qu’il faut commencer par se changer soit même »
C’est par le biais de The Heart Part IV que Le 23 mars KL annonce DAMN. 7 jours plus tard, le 1er extrait, Humble, produit par Will Made It, casse internet. Le Californien met en musique l’adage « faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». La mise en image est sublime, et se fait l’allégorie parfaite de l’album, mélange de Bibliques et de récit sur la vie des ghettos.
Cet opus confortera les « Kendristes » convaincu et renforcera les doutes des moins acquis à sa cause.
Même quand Kendrick s’essaye à d’autres styles il ne se dénature pas. Comme sur GOD ou le très bon LOVE en feat avec Zakari, le nouveau venu de TDE. Où lorsqu’il s’amuse à moduler sa voix, sur LUST, qui nous ramènent aux belles heures de Andre 3K époque Aquemini. Quant à ses textes incisifs et ses flows perçants, sur HUMBLE, ELEMENT ou le déjà classique DNA, ils sont aussi précis qu’un tir à bout portant.
DAMN est « cérébral » comme tout ce que fait Kdot. C’est un jeu de piste, Il faut comprendre les indices. Il va jusqu’à faire des sons GOD et DUCKWORTH, des titres à la durée parfaitement égale. Kendrick = Dieu ? A moins qu’il faille une vue d’ensemble. Dans ce cas les 3 derniers tracks donnent FEAR – GOD – DUCKWORTH. Un auto-avertissement ? Comme toujours, c’est à l’auditeur d’élucider les indices semés ci et là. Peut-être est-ce là encore un message, ne soyez pas fainéants, réfléchissez.
Une question se pose. Combien sont prêt à devoir écouter un artiste avec RapGenius et un bouquin sur l’histoire Afro-Americaine du XXe siècle sous la main ?
Même si la Tracklist de DAMN laissait augurer un album plus ouvert, avec la présence de Rihanna ou de U2. Cet album est sombre. Il reprend le flambeau du rap revendicatif, qu’il avait brandi sur TPAB. Mais la flamme est moins vive, sur PRIDE Kendrick parait aussi épuisé que sur la Cover de l’album. L’ambiance n’est pas à l’optimisme.
La moitié des titres de DAMN sont des émotions, mais aucun ne s’appellent Hope.
Je pense que Kendrick est là où il veut être dans le paysage musical. Game Changer, reconnu et respecté par ses paires.
Il ne cherche pas à draguer un plus grand nombre en édulcorant sa musique. Son obsession de toujours vouloir faire un album différent du précèdent, l’a conduit au sommet de son art très rapidement.
Les reproches qui reviennent le plus souvent, ceux autour de ses choix musicaux, sont audibles. Kendrick Lamar n’y est pas imperméable, alors, autour des habitués Dj Dahi, Sounwave et Terrace Martin. Viennent se greffer BadBadNotGood, Ricci Riera, Teddy Walton. Le projet a donc gagné en Boom bap ce qu’il a perdu en Jazz.
Pour répondre à la question principale de ce dossier. L’essence même du rap de Kendrick Lamar, c’est de créer la surprise. Que ce soit par ses clips, il a sans contestation les plus aboutis du Rap US. Où par ses choix, et ses directions artistiques.
Mais son objectif n’est pas de surprendre pour faire du Buzz, comme souvent dans la Pop culture. Non, il surprend pour déranger, faire réagir, réveiller. Et même lorsqu’il y a une pointe de déception, il a le mérite d’essayer ardemment, là où d’autres appliquent les mêmes recettes albums après albums.
La seule question sans réponse avec cette écoute. Après 4 albums, son classique, sa pièce maitresse, est-elle à venir ou fait – elle déjà partie de sa discographie ?