Flight (2013) : Free As A Bird

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Retour en 2013 du power-duo Zemeckis/Silvestri, avec ce drame toute en finesse et sobriété. Avec deux facettes, comme les pièces qu’on fait tourner pour jouer à pile-ou-face.
Octobre 2011. Denzel Washington émerge d’une nuit rock’n’roll avec une hôtesse de l’air sortie tout droit d’un fantasme de revue scandaleuse. Chargé à bloc, il se remet d’aplomb d’un petit rail de coke et hop! Hardi petit, chausse ses lunettes et son uniforme de Commandant Whip Whitaker pour un petit bond en plein ciel. Après un envol sportif au travers des nuages d’orage, sous la poussée combinée des réacteurs et des shots de vodka sous l’oeil halluciné de son copilote, tout semble planer pour lui jusqu’à ce qu’incidemment tout se détraque. Commandes bloquées en pleine redescente, filant vers le sol avec ses passagers paniqués, Whip se voit contraint de reprendre le contrôle à l’ancienne, en manuel. Il improvise un passage sur le dos à l’aplomb des quartiers résidentiels d’Atlanta, pour finalement plaquer impeccablement son jet dans un champ, décoiffant au passage le clocher d’une église baptiste.

Dieu, d’ailleurs, on lui fera des clins d’oeil tout au long des 2h20 du film. Mais là n’est pas encore le sujet ; si 96 personnes ont survécu au crash, 6 ont payé le prix fort dont 2 hôtesses, il va falloir rendre des comptes et c’est au tour de l’avionneur, de la compagnie aérienne et du syndicat des pilotes représentant Whip de se lancer la patate chaude. Dans ce contexte d’enquête minutieuse, Whip Whitaker, miraculé héroïque de cette magnifique culbute, va devoir faire profil bas pour masquer son analyse sanguine plus chargée que celle d’un coureur du Tour de France – c’est là que démarre la seconde partie du film.

S’éloignant de la fresque rock’n’roll bercée par les Rolling Stones et les Cowboy Junkies, le film plonge alors dans l’univers plus glauque de Whip-le-camé, pilote cloué au sol et reclus dans la vieille ferme familiale, qui arrête l’alcool sous le coup de la trouille, et le reprend tambour battant sous le coup du désespoir une fois son petit secret révélé. Une spirale non moins effrayante qu’un piqué vers le sol sans aucune contrôle sur les évènements ; Whip perd les pédales, à peine cadré par son as du barreau d’avocat et un représentant du syndicat des pilotes de plus en plus atterré. Chute éclairée aussi, furtivement, par Nicole/Kelly Reilly, jolie rouquine qui affrontait l’overdose tandis qu’il volait la tête à l’envers, et quitte avec lui l’hôpital pour tâcher de reprendre un peu d’altitude. D’ordinaire les pilotes ont une marraine, les alcooliques anonymes aussi ; Whitaker lui n’en veut pas, préférant croupir dans la peur et la honte d’avoir laissé sa famille fuir son ivrognerie. Alors Nicole, ce n’est peut-être pas la rédemptrice absolue qui tirera Whip vers le haut ; mais c’est un bref rayon de soleil à travers le ciel bouché de son avenir pourri où la prison à vie le guette pour sextuple homicide (ou quadruple, puisque dans la procédure les membres du personnels ne comptent pas). A lui de voir s’il veut redresser sa vie, ou s’écraser encore. « Dieu, que la terre est basse » ; Dieu, que l’on voit passer de temps en temps, derrière le clocher d’une église, dans la petite amie du copilote en capilotade ou dans l’âme brûlée d’un malade en phase terminale qui regarde déjà l’Autre Monde. Dans le rapport officiel d’accident aussi, oui, on est aux États-Unis où le Président prête serment sur la Bible et où l’on voir, non sans un certain cynisme, la volonté divine dans les causes mécaniques d’un crash aérien. Dieu un brin moralisateur, à priori ; mais heureusement, suffisamment peu pour qu’on puisse choisir de passer outre son emprise.


La force de ce long métrage, conçu par le papa de ‘Forrest Gump’ et mis en musique par le même (génial) Alan Silvestri, c’est sa dualité, sa capacité à alterner les faces de la pièce qui tourne, suspendue, avant de retomber. La Gloire d’abord, épique et bercée de tubes des 70s, entourant Denzel Washington en Commandant de bord ‘borderline’ aux yeux toujours tournés vers le ciel ou encore un John Goodman en dealer des stars dont la gigantesque coolitude déborde presque l’écran. La Chute ensuite (‘Going Down’), où réveils difficiles, overdoses et gueules de bois s’enchaînent jusque dans un climax comique et tragique à la fois – précédant la fin, que l’on ne dévoilera pas – dont le sordide plombe l’ambiance et la mène, comme l’avion de l’histoire, à la limite du décrochage. Dans les deux cas, on frôlerait presque l’excès, on le sent venir et puis on en réchappe à la dernière minute, quand on croyait qu’on allait tomber. Un perpétuel examen des contraires, sur fond de réflexion sur l’addiction, la sobriété, la prison et la liberté. Chouette exercice, qui fait de ‘Flight’ une fusion parfaite entre le contenant et le contenu, le fond et la forme. Un film à voir.

La bande-annonce :

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