Et c’est tout simplement un chef d’oeuvre. Depuis sa sortie, c’est simple, je dois poncer la tracklist 3/4 fois par jour, sur un album de 1h12. Je vous laisse imaginer l’addiction.
J’étais plutôt fan des deux précédents opus du garçon, qui étaient « Feu » et « Cyborg« . Des albums bruts avec des figures de style à répétition, punchlines bien senties et un flow incroyable pour un aussi jeune rappeur à l’époque. Son style de rap conscient était en passe de devenir un nouveau style du genre.
Et bien avec « les étoiles vagabondes » nous sommes dans un nouveau registre, peu connu pour Nekfeu. J’attendais son nouvel album avec impatience, je ne suis absolument pas déçu d’avoir patienté.
Les étoiles vagabondes : la catharsis musicale
Je ne sais pas si cela est fait exprès par l’artiste ou si c’est un choix délibéré dans ce projet – qui est accompagné d’un film retraçant la création de cet album – mais dès les premiers mots du morceau d’ouverture, on sent que nous allons être plongé dans une auto psychanalyse du narrateur.
Dans un album construit comme un storytelling, où chaque morceau semblent avoir un lien étroit entre elles, Nekfeu y est sans concession. Tout ses maux sont avoués, toute sa folie artistique est mal assumée et l’on sent un artiste au bout du rouleau, à cause du monde qui l’entoure.
On sent le rappeur tracassé dans ses sentiments, dans ses liens avec le monde extérieur, loin de son clan qui le suit partout, tout au long de ce projet artistique, et finalement, c’est ce qui rend cet album beau. Des morceaux aux sens cachés, qu’on ne perçoit pas à la première écoute, comme Ciel noir qui parle de décès d’un ami.
Un album trop parfait?
Le Fennec nous a encore bluffé pour sa capacité à sortir des album carrés depuis ses débuts. Celui ci frôle l’ultra perfection et le contrôle total dans tous les morceaux. Aux premières écoutes, on peut se dire que l’opus est trop parfait pour être un projet basé sur les limbes des pensées les plus sombres du chanteur. Quelque chose de trop lisse ne nous donnant aucune accroche, rien de salissant pour le rappeur et rien de sale auquel se raccrocher quand on fout son casque sur les oreilles.
Détrompez vous, c’est bien là, la subtilité de cet album. Les instrus sont parfaitement construites pour un album basé sur du sentiment personnel. En allant gratter plus loin que les mélodies, les premières punchlines qui frappent à nos oreilles et aux allitérations, on s’aperçoit du malêtre du bonhomme face au monde (De mon mieux, Les étoiles vagabondes). On découvre son besoin de se connaitre, de se retrouver et de découvrir ses origines au travers (Ολά Καλά) de plusieurs morceaux phares de l’album.
J’ai toujours aimé la pudeur de ses sentiments exprimés dans ses albums, ce nouvel opus montre une réelle maturité sentimentale, mais toujours exprimées par des non dits (Elle Pleut) rendant le texte encore plus fort dans un morceau déjà chargé d’émotions.
Eloge de la normalité
Nekfeu fuit le monde du star-system en quittant la France. Le besoin d’évasion pour fuir ses problèmes, sa peur panique de la panne d’inspiration. Il prend ses potes, pose ses textes sur les instrus de ses amis, part à la découverte du monde pour chercher ce supplément d’âme manquant aux mots qu’il a couché sur du papier ou son laptop.
On retrouve la même équipe qui l’entoure depuis L’Entourage (Alpha Wann, Nemir, Diabi), sa zone de confort, celle où il excelle, sûr de sa force. Il cherche juste à être un mec normal souhaitant s’entourer « de sérieux amis sérieux plutôt que des amis sérieux« .
Des featuring XXL
La suite de l’album est également une réussite dans le choix des featuring. Vanessa Paradis pour un son frôlant la haute couture textuelle et une sensualité peu commune dans le rap français (Dans l’Univers). Un morceau envoutant et sensuel donnant envie de se plonger dans cette histoire de coeur animée par la passion et la déraison.
Dans un registre plus old school, on retrouve le barbare Damso et son flow sexualisé à son paroxysme, sur le morceau Tricheur. Surprenant dans cet album très propre sur lui de prime abords. C’est rafraichissant et cela ravira les amateurs de grosses punchlines salaces. Le son est très bon, avec une vraie construction rapide du beat.
Voilà pour les featurings majeurs de cet album de Nekfeu. On regrette le retour d’ascenseur pas fait pour Orelsan, qui l’avait invité sur le morceau « Dans ma zone« , ça aurait pu claquer de sortir un morceau un peu débile, comme les deux sont capables de sortir quand ils veulent (peut être dans le morceau Cheum).
Globalement, cet album divisera toujours les amoureux du rap. Entre les fan du flow hardcore qui seront déçus du manque de caractère flagrant avec aucun morceau qui casse ton casque audio avec un bulldozer, et ceux qui vont adorer la subtilité des mots et du rythme choisi dans ce voyage musicale.
Pour ma part, j’ai été subjugué par ce nouvel opus fortement personnel, nous donnant une porte dérobée dans le cerveau de cet artiste en mal d’être. Je vous conseille vivement de l’écouter une bonne dizaine de fois, dans des circonstances bien différentes (la nuit, le jour, seul, en séance de travail) car bien des choses remontent selon le prisme d’écoute que vous aurez.
Un mot décrira donc parfaitement ce projet musical de Nekfeu à mes yeux : MASTERCLASS