J’écris donc je bois

Bonjour, je m’appelle Matthias et je ne bois pas.

Par contre j’ai la prétention décrire. La prétention, c’est l’étape d’avant la consécration, sauf que ça dure (beaucoup) plus longtemps. Et je ne bois pas, donc, ce qui me semblait à propos de faire remarquer pour mon premier article sur un blog de whisky. Aussi parce qu’écriture littéraire semble rimer pas mal avec boisson et drogues récréatives. Je peux vous débiter de tête un bon début de liste d’auteurs célèbres notoirement alcooliques, d’Hemingway à Kerouac, en passant pas Fitzgerald.

Plus près de nous on a le poster-boy pour l’alcool à la plume : Frédéric Beigbeder. Il nous aura prouvé du double intérêt de la drogue avec Un roman français, où son arrestation pour consommation de cocaïne est l’élément déclencheur de l’écriture d’un bouquin entier. Chez Grasset encore l’ami Philippe Jaenada a sorti cette année La femme et l’ours, l’histoire d’un type qui sort boire suite à une engueulade avec sa femme. Un roman rédigé dans le bar en bas de chez l’auteur. Boire pour écrire, écrire sur la boisson, la boucle est bouclée. Jusqu’à ce qu’elle casse. On pense à cet écrivain contemporain français, qui a écrit plusieurs livres sous l’emprise (entre autre) de l’alcool et qui, depuis qu’il a raccroché sa bouteille, doit faire appel à ses copains pour finir ses nouveaux écrits. Le verre est aussi vide que la page est blanche.

Une anecdote qui nous ramène au grand fantasme populaire de l’écrivain avec son verre posé à côté du clavier.

 

L’auteur est un artiste, ce qui lui confère quelques passe-droits. James Bond a le permis de tuer, l’écrivain à la licence poétique et le droit de boire. L’état second éthylique, selon l’imaginaire commun, permettrait à l’artiste de puiser dans des ressources insoupçonnées de son inspiration, de son génie. L’homme devient un surhomme, dopé à l’ivresse, capable des plus grands prodiges de style. Et si ça ne fonctionne pas avec un autre whisky, il suffit de passer à l’étape d’après : la poudre pour les bobos et l’absinthe pour les wannabes Oscar Wilde. Surement les mêmes scribouillards qui essaient de choper des filles en leur susurrant que la tentation c’est fait pour qu’on y cède. Enfin, avant que l’île de la tentation pourrisse cette pick up line à jamais.

Le fantasme est tellement tenace que j’ai trouvé des chapitres entiers consacrés à l’alcool dans des livres de conseils d’écriture. Les auteurs m’expliquent que, non seulement le statut d’artiste donne le droit de se saouler, mais qu’en plus c’est nécessaire à l’émergence des meilleures idées et tournures de phrase. D’où mon désarroi de buveur d’eau enchaîné à Word. Puis-je trouver le salut au fond de ma canette de soda ?

Face au doute, j’ai donc dressé une liste des avantages et inconvénients d’être un écrivaillant sobre.

Pour :

  • Ne pas regretter les trois quart de ce qu’on a écrit la veille une fois le matin venu

  • Etre capable de se souvenir et d’appliquer tout ce qu’on a appris

  • Avoir un regard lucide sur la production littéraire actuelle

Contre :

  • Avoir un regard lucide sur la production littéraire actuelle

  • Etre incapable de réseauter en soirée, forcément arrosée

  • Devoir travailler pour avoir des éclairs de génie

Ce moment embarrassant où tu réalises que ne pas boire t’amènes à mépriser une partie de tes collègues des lettres, être asocial et bosser deux fois plus pour boucler et vendre un bouquin correct. On effleure une certaine forme de discipline masochiste. Ou d’injustice. Question de point de vue.

Je préfère choisir de rester optimiste, tandis que je boucle cet article en sirotant du Pepsi Max, servi dans un verre à whisky.

True story.

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