Comme beaucoup, j’ai passé ces deux derniers moi à m’abrutir d’images, à chercher des visages que je ne croisais plus, à plonger tête la première dans le flot de collections numériques des musées avec pour seule quête le beau et le simple.
Peut-être à cause de mon obsession injustifiée pour tout ce qui entoure Ingres, j’ai cherché un de ses premiers apprentis : Amaury Duval. Chez lui, de la beauté il y en a. Elle est lisse, artificielle, néoclassique ou pompier, chantant doucement des couleurs surnaturelles, mettant en scène des femmes surtout.
Et je suis tombée sur elle. Une énième naissance de Vénus, encore une blonde mouillée lascive et langoureuse. A en croire sa back-story, elle s’est dévoilée au monde lors du « Salon des Vénus » (1863) où Manet a été hué et un Cabanel fade et policé (une Vénus aussi) a remporté les faveurs de l’Empereur.
C’est pourtant une Vénus sans angelot dansant, sans trompette prétentieuse, sans coquillage ni crustacé. Elle sort de l’eau, le regard de côté et le sourcil relevé, comme si elle savait exactement où se posaient nos yeux. La cheville solide mais la pose lascive, la peau laiteuse et la cascade de cheveux d’or – qu’elle tord nonchalamment – alors que de ce geste simple elle féconde le monde (selon la légende).
C’est bien là ce qui dérange, cet érotisme fou, humide et collant, entre l’iode et la chambre d’ado. Avec cette lumière artificielle de film porno, qui veut tout exposer, retirer les creux d’épiderme et les imperfections. Le regard fuyant et la taille qui demande à être prise, un désir qui monte, demande à être entretenu, et tombe.
Il tombe en s’arrêtant à ce pubis. On essaye de se convaincre que c’est une déesse qui est représentée. Que cette absence de chair, de relief, ce vide intersidéral est ce qui la sépare de notre humanité. Mais l’on cherche, s’essouffle, et se fatigue les yeux à trouver le moindre pigment rose qui soulagerait le tout.
Alors honteux de s’être échiné sur une chatte invisible, on revient analyser ses yeux, qui d’un coup nous dise « je sais. ». Et notre âme se sent crasse devant un tableau qui n’est que beau et simple.