Cela faisait longtemps que je n’avais pas écrit de billet en ces pages. Les temps difficiles que nous traversons, nous ont pour la plupart encore plus rapprochés de nos écrans et de notre bonne vieille lucarne télévisuelle tout en nous éloignant des salles obscures. Pour diverses raisons pas si obscures que ça (et dont je compte traiter sous peu), les multiplexes et autres exploitants sont a mon sens tout aussi coupableS de leur propre extinction que ce satané virus qui décime le monde lentement, mais sÜrement. Et c’est avec une série TV française de qualité (oui je sais les mots France et Qualité ne riment pas toujours, mais certaines fois des miracles s’accomplissent). Et ce miracle se nomme Moah.
Diffusé sur OCS Moah est une petite série de fiction traitant des mésaventures de Moah un jeune homo sapiens différent de ses congénères qui tentent de s’en sortir comme tout les membres de sa petite tribu. Le milieu hostile qu’est le monde à cette époque ne fait rien pour lui faciliter la vie. Tout en cherchant sa place dans le monde. Moah va faire des rencontres qui vont littéralement changer sa vie ainsi que celle des siens.
Crée par Benjamin Rocher, Bertrand Soulier et Henri Debeurme, Moah a de quoi dérouter dans un univers télévisuelle au final assez codé et plus spécifiquement en France. Et si l’on prend en compte, le fait que la série est du fait des personnages et de la période dont elle traite entièrement interprété en borborygmes, sans véritables dialogues mis à part de très rares mots ou onomatopées, il est fort à parier que l’amateur éclairé de Joséphine ange gardien ou encore Julie Lescaut, passera son chemin. Mais ce principe logique de narration verbale est aussi et surtout l’un des atouts majeurs de la série. Je dis ça très rarement des acteurs hexagonaux à la TV, mais ici ils sont formidables. Non pas que je dise que les acteurs Français soient mauvais, mais c’est plus en général le “jouer Français” qui pose très souvent problème. Notre langue et son jeu sont bien trop emprunts de théâtralité et de respect de la diction pour sonner vrai. La langue anglaise ou encore espagnole sont bien plus vivantes et offrent bien plus de perspectives aux comédiens. Ici nous n’avons point ce problème, les acteurs sont formidables et s’éclatent au travers de ce mode d’expression qui magnifie celle de leur visage.
Drôle, incisive, tendre émouvante et sauvage ce feuilleton sur l’Age du feu et de la pierre fait penser parfois à du Buster Keaton ou a du Chaplin plutôt qu’à la guerre du feu. Mais le véritable diamant de Moah (au delà d’une mise en scène à la fois sobre, inventive et d’une redoutable efficacité qui aussi permet d’imaginer sans peine les influences de certains illustres réalisateurs sur Benjamin Rocher), c’est le comédien Tigran Mekhitarian qui campe le Moah en titre. Il est tout simplement génial et confère à son personnage une humanité incroyable. J’ai pensé bien entendu à un enfant émerveillé, mais également à Keaton et à Chaplin. Le reste du casting est tout aussi excellent et outre la talentueuse Camille Constantin qui campe l’obscure objet de désir de notre jeune séducteur en peau de bête, on peut retrouver l’excellent Bruno Sanches acolyte de Alex Lutz de Catherine et Liliane la pastille comique de feu Canal +.
Chaque épisode a son histoire cependant Moah suit un fil conducteur qui est la quête du courage, de l’amour et de la survie. Moah au delà de ses éléments bénéficie d’une direction artistique incroyable et autant dire que l’on est très loin de Rrrrr ou du désopilant Caveman avec Ringo Starr de Carl Gottlieb et encore plus loin de tomber sur la Raquel Welch de un millions d’années avant JC. Non Moah, c’est crade, ça pue, c’est plein de poux et de puces, ça gicle et ça transpire, ça baise sans pudeur enfin presque, c’est par moment un peu gore, mais toujours d’une grande intelligence et doté d’une grande finesse. Tourné à même les Gorges de l’Enfer, le plus grand abri sous roche d’Europe, en Dordogne. La série est doté d’un réalisme saisissant et désarmant. Aucune musique ne rythme les épisode, seul la mélodie des éléments végétaux et animaliers donne un rythme aux séquences et confèrent encore plus un ton unique à ce produit merveilleux.
Il est très rare que je donne autant d’éloges à une série camembert, mais là c’est chapeau bas. En grand cinéphile passionné de cinéma de genre, Benjamin Rocher qui nous avait enfermé dans un immeuble HLM dans une cité envahie de zombies dans l’inégale La Horde qui malheureusement lui ne bénéficiait pas toujours d’un jeu d’acteurs au poil ce qui mis en difficulté par moment grandement le film qui pourtant suait la passion et l’envie de faire autre chose en France. Il y eu par la suite le noir polar Antigang que je n’ai pas vu, et la première partie du génial dytique comico horrifique Goal of the dead qui a mon sens est une quasi totale réussite. Une chose est certaine, de nos jours si on a des bonnes idées et spécialement en France, dans un système de production sclérosé par le manque de courage des maisons de prod, par les comédies familiales, droitisantes et invasives, il est difficile de faire du bon, du neuf et du beau. L’avenir du cinéma est donc pour moi à la télévision qui semble offrir une plus grande liberté créative aux véritables auteurs.
Vous l’aurez compris avec un ou deux autres créations télévisuelles récentes, comme la sympathique série Missions ou encore HP (toutes sur OCS au passage), Moah fait partie de ces séries qui fera sortir la France de l’âge de pierre de la TV. Alors à vos silexs, et vivement une saison 2 et encore plus de moyens pour cette équipe qui gagne.