Pour nombre de fans de métal symphonique, le 12 janvier 2021 restera dans les esprits comme une date funeste. C’est en effet le jour qu’a choisi Marko Hietala pour annoncer son départ de « Nightwish ». Le bassiste et chanteur du groupe finlandais, au travers d’un communiqué, s’est dit usé par le fonctionnement de l’industrie musicale. A 55 ans, il a même décidé de se retirer définitivement de la vie publique. Ce départ inattendu annonce-t-il la fin de « Nightwish » ? Tuomas Holopainen et consorts peuvent-ils se relever de la défection de cet emblématique membre du groupe ? Malgré l’optimisme affiché, rien n’est moins sûr et l’avenir semble, au minimum, incertain.
« Les gros bonnets des compagnies de streaming poussent les artistes à un rythme effréné tout en partageant injustement les bénéfices. Nous sommes la république bananière de l’industrie musicale »
Marko Hietala le 12 janvier 2021
Si « Nightwish » n’a pas inventé le courant du métal symphonique, il en est sans conteste le leader. Les américains de « Believer » ou les suédois de « Therion » avaient déjà balisé le terrain dans les années 80, sans toutefois connaître le succès de nos chevelus finlandais. Ce sous-genre du Heavy métal donne la part belle aux arrangements d’inspiration orchestrale, flirtant ainsi avec la musique classique ou avec les bandes originales de grands films épiques. L’arrivée de « Nightwish » sur la scène européenne, puis très rapidement sur la scène mondiale, a largement popularisé le genre dès le début des années 2000.
Leur recette pour satisfaire l’appétit du public est un savant mélange d’ingrédients divers particulièrement audacieux. La base guitare/basse/batterie, classique du Heavy Métal, est copieusement saupoudrée de clavier électronique et de cornemuse irlandaise pour le côté symphonique, avec une pincée de chant lyrique féminin pour lier le tout. Tuomas Holopainen, claviériste, est le chef de cette patrouille, il compose et écrit la majorité des titres présents au menu. L’ensemble est copieux et goûtu, il ne reste ainsi plus qu’à soigner la présentation.
« Quand Marko nous a fait part de son désir de tout arrêter, j’étais persuadé qu’il n’y avait pas de retour possible, que tout était fini. »
Tuomas Holopainen, le 4 mai 2021
Et ça tombe bien puisque leur point fort, celui qui les différencie des autres et les place au-dessus du lot, c’est justement la présentation et les représentations. J’ai eu la chance de pouvoir assister à 2 de leurs trop rares concerts en France et j’ai pris une bonne claque à chaque fois. La présence scénique, les jeux de lumières, les effets spéciaux, la faculté à réorchestrer les morceaux de l’album pour nous surprendre, les costumes, tout y est. C’est une expérience irréelle et hors du temps, pour ne pas dire mystique, à laquelle je repense toujours avec nostalgie.
Pourquoi évoquer la nostalgie alors que le groupe est encore là et que seul ce bon vieux Marko quitte le navire ? Tout simplement parce que j’ai du mal à croire que « Nightwish » survive à son départ. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’ils doivent faire face à un nouveau recrutement. Effectivement dès 2005, Tarja Turunen, la chanteuse originelle est évincée après 9 ans de bons et loyaux services. En cause, un différend quant à son implication dans la carrière du groupe. En 2012, c’est sa remplaçante, Anette Olzon qui s’en va, a priori d’un commun accord avec le groupe cette fois-ci. Enfin en 2014, c’est Jukka Nevalainen qui se retire pour des raisons de santé. Bref, en 25 ans de carrière, « Nightwish » a eu son lot de tempêtes. Mais cette fois, je soutiens l’idée que c’est très différent et que la perte est trop grande.
« Il y a certaines chansons qui s’appuient principalement sur la technique vocale de Marko, et nous ne pourrons plus jamais les jouer. »
Tuomas Holopainen, le 4 mai 2021
Evidemment, le problème n’est pas tant de retrouver un bassiste de qualité. Je suis persuadé que les candidatures spontanées de qualité ont plu sur Tuomas. La difficulté réside dans le fait que, en plus de participer activement au mixage des morceaux en studio, ainsi qu’à l’écriture de certains d’entre eux, Marko était la voix masculine du groupe. Et quelle voix ! Un timbre aussi atypique que grave, aussi envoutant que ténébreux, à tel point que certains titres de la discographie risquent de disparaître des setlists live.
Alors « Nightwish » peut-il fonctionner sans Marko Hietala ? On aura rapidement la réponse puisque le 28 et 29 mai prochain, le groupe propose deux livestreams pour présenter leur album « Human :II: Nature » au public. Ces deux concerts, avec des setlists légèrement différentes, marqueront, sauf nouvelle déconvenue sanitaire, le départ d’une grande tournée mondiale. Tuomas, cachotier ménageant ses effets, a déclaré ne vouloir révéler le nom du remplaçant de Marko que quelques heures avant ces prestations. Suspense !
Allez, je mets mon scepticisme de côté pour leur souhaiter le meilleur pour l’avenir. En croisant quand même tout ce que je peux croiser pour que le grand Marko Hietala revienne sur sa triste décision…