Prix Renaudot 2022, la Performance de Simon Liberati

Le 3 novembre 2022, Simon Liberati obtenait le prix Renaudot pour son roman Performance.

En quelques mots, un écrivain septuagénaire découvre le métier de scénariste en travaillant sur une série narrant la période 1967-69 des Rolling Stones. En parallèle, il vie une histoire d’amour avec Esther, mannequin névrosé (pléonasme ?) d’une vingtaine d’années et accessoirement ancienne belle-fille. Voilà pour le synopsis.

Commençons par ce qui me semble être le gros point fort : le roman est très bien écrit. Le style de Liberati fait écho à ces auteurs américains du XXème siècle, les Bukowski, Fante (père et fils), Safranko, etc. D’ailleurs, ces écrivains susmentionnés étaient entre autres publiés par l’excellente maison d’édition 13e Note. Une même aura émane de Performance, à savoir une observation du monde débordant d’acuité qui va nécessairement de pair avec un sentiment de désabusement. Pas le temps de s’apitoyer cela dit, « c’est comme ça, faut faire avec » comme dit Bertrand Belin.

Ainsi, notre écrivain va se servir de son érudition et de son travail de recherche pour partager des faits concernant les Rolling Stones durant les dernières années de la période Brian Jones. Les personnages gravitant autour du groupe et les situations vécues trouvent continuellement un écho avec le quotidien du narrateur dans un jeu d’allers-retours très bien mené. Par cet exercice, Liberati aborde tout un tas de questions.

Notamment, le fameux « est-ce que c’était mieux avant ? »

Franchement, d’après les vies de Brian Jones ou Marianne Faithfull, pourtant célébrités notoires, non. On ne peut pas dire que le monde tournait bien rond en cette fin des années 60, quand il était possible d’ingérer toutes les substances possibles sans penser aux conséquences, sans parler des valeurs douteuses que véhiculaient les Stones et leur entourage. Et aujourd’hui ? Ce n’est pas folichon non plus. L’outil merveilleux qu’est le GSM permet à Esther une livraison rapide en cocaïne d’un simple message ou encore de s’exhiber sur Instagram.

Le personnage principal est à la jonction de ces deux univers, sans prendre parti pour l’un ou l’autre. Le monde a changé, les dérives ont changé, on traverse l’existence sans avoir trop d’impact sur quoi que ce soit mais c’est ça la vie. Ça aurait pu être pire. Mieux aussi certainement. Mais à 70 ans passés, on est lucide par rapport à ces éléments.

Il est aussi question du rapport à la littérature dans le roman. Les références sont à cet égard nombreuses, que ce soit par l’initiation que dispense le narrateur à Esther ou par les parallèles que fait l’écrivain entre telle ou telle situation et une œuvre de sa connaissance. D’une certaine manière, cela m’a fait penser au très bon roman de Mohamed Mbougar Sarr écrit l’année dernière, La Plus Secrète Mémoire des hommes. Je m’étais dit alors, qu’aborder le thème de la littérature dans un roman rendait systématiquement un aspect pédant. Pourquoi un tel sentiment apparaît-il lorsque qu’un auteur indique qu’il connaît Proust, Homère et Joyce. Par élément de comparaison, si l’on connaît la filmographie d’Andreï Tarkovski, de Maurice Pialat ou de Terrence Malik on est un cinéphile averti. Dès lors, peut-être faut-il rejoindre le personnage principal de Performance. Si l’on ne maîtrise pas la dimension sociétale des choses, alors autant essayer de juste vivre en accord avec soi-même. Ce qui ne serait déjà pas si mal.

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