Sang, mensonges et vidéo

PRINCE DES TENEBRES – John Carpenter– Usa – 1987

Fruit d’une intense réflexion, la conclusion qui s’impose concernant la lente décadence de notre jeunesse, dont l’évidence m’avait jusqu’alors échappé, est qu’elle ne peut être due qu’à une seule chose : ils n’ont pas connu pas la VHS.

« La VHkoi ? » me répondraient probablement ces insolents lobotomisés par la largeur de leur bande passante, ce qui ne manquerait pas de me faire bondir, hurler, avant de me dévisser la tête en baragouinant des choses incompréhensibles sur l’enfer et ta mère qui y suce des bites. Mais revenue à la raison, l’unique constatation qui s’impose est que je suis une vieille conne. Amen.

La VHS donc. Elle m’a bercée de longues nuits durant, rendue dingue quand l’enregistrement s’arrêtait systématiquement avant la fin du film, m’a permis de développer des capacités manuelles hors normes alors qu’il fallait la rembobiner avec un crayon sans que la bande se retourne, m’a agréablement surprise lorsque l’employé du vidéoclub du coin avait rangé « La grande Mouille » dans le boîtier de « La guerre des boutons ». Bref. Elle a surtout appâté et aiguisé ma faim insatiable de films.

Un de mes premiers chocs rétiniens fut le « Prince des Ténèbres » de John Carpenter. Donald Pleasence (que je recroiserai bien souvent dans mes pérégrinations magnétiques) incarne un prêtre qui découvre au fond d’une vieille église un cylindre vert fluo. Il appelle donc à la rescousse un scientifique et ses étudiants pour analyser ledit cylindre, censé renfermer l’Antéchrist. Rien que ça.

Mais ne vous y trompez pas, nous sommes bien loin du grandguignolesque ou du second degré rigolard propres à certaines séries B. Même si évidemment, au départ, les scientifiques ne prennent pas très au sérieux cette histoire, ils vont vite déchanter. Contaminés les uns après les autres, ils sont transformés en goules dociles prêtes à tout pour servir leur nouveau maître. Ouais, on ne déconne pas avec Satan.

La force du film réside justement dans sa capacité à faire vaciller notre pensée cartésienne, à l’instar de celle des universitaires, par un rythme assez lent qui propage cette menace diffuse et insidieuse.

Carpenter dose habillement les séquences d’angoisse impalpable où on ressent la panique communicative, panique qui gagne progressivement les protagonistes alors qu’ils réalisent leur impuissance et les moments d’horreur purs, avec des gros plans bien crades sur des visages ensanglantés, des insectes grouillants et des SDF zombifiés vraiment flippants, menés par le très maquillé Alice Cooper.

Mais on ne peut décemment pas parler de Carpenter sans parler musique. Il a composé celle de quasi tous ces films et si le thème de « Halloween » hante encore vos esprits, dites merci au monsieur. Là encore, le synthé du « Prince des Ténèbres » est terriblement efficace, envoûtant et inquiétant par son omniprésence.

Sombre jusqu’au bout, le final du film est halluciné, rendant parfaitement ce chaos apocalyptique redouté. Ca fuse dans tout les sens, ça hurle, ça se bastonne pour un retour à la normale… pas si normal que ça. On entrevoit déjà la thématique de la folie et du rêve que le réalisateur explorera dans « L’antre de la folie » quelques années plus tard mais c’est une autre histoire.

Les fans du genre s’étripent encore sur la toile pour savoir si le « Prince des Ténèbres » est un chef-d’œuvre ou le summum du kitsch. Moi tout ce que je sais, c’est que VHS ou Blu-ray, je me fais encore pipi dessus en le revoyant.

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Miho

 

5 commentaires

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  • Mikael G
    Mikael G

    Je crois que je suis devenu “cinéphile” pour la première fois à l’âge de onze ou douze ans, à la grande époque du VHS. A l’époque, la cinquième diffusé Escape from… Pardon, “New York 1997” genre… une fois par mois. Je l’avais enregistré. C’est la première fois que j’ai retenu le nom d’un réalisateur. C’est bien comme ça que ça commence la cinéphilie? Sinon, c’est peu intéressant, mais je dirais qu’à chaque fois que je revois Halloween, Prince of Darkness ou They Live, j’ai une frousse indicible, et ce même si je connais le film, sa mise en scène, son montage par coeur. Aucun autre film ne m’a fait cet effet. Et In the mouth of madness reste pour moi l’un des 5 plus grand films des années 90’s. Merci pour ce -trop court?- texte !! Je vais de ce pas ranger tous mes miroirs au placard…

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  • MG
    MG

    Bon, j’avais laissé un premier commentaire qui n’a pas l’air de s’être publié! Juste pour dire qu’à l’âge de onze, douze ans, je crois que je suis devenu cinéphile de la VHS, au sens où Truffaut l’explique en introduction de sa collection (de VHS, justement) “Les films de ma vie”. A savoir: c’est la première fois que j’intéressais au nome d’un réalisateur. Escape from New York… pardon, “New York 1997” devait un peu prés passer une fois par mois sur cette antique chaîne qu’était “la Cinquième”. Grande époque de la VHS d’ailleurs. Puis “They live!” ou encore “Prince of Darkness”… je considère L’antre de la folie comme l’un des 5 plus grands films des années 90’s. Merci pour ce -trop court!- texte plein de passion! MG

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    • mihowii
      mihowii

      Haaaaaa l’intro de Truffaut sur “Les films de ma vie” : “A voir un film en vidéo m’en donne une connaissance beaucoup plus intime. En tant que cinéphile je suis un fanatique de la vidéo.”

      Merci à toi de m’avoir remémoré ce doux souvenir !

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      • MG
        MG

        LOVE ? Ca va être un peu mysogine mais j’ose: une femme qui écrit avec passion sur Prince of Darkness et qui réagit au quart de tour sur la collection “les films de ma vie”? Plus sérieusement: être cinéphile, à l’époque de Truffaut, c’est voir les films une fois, ou deux (“avant, quand j’allais voir Sérénade à trois de Lubitsh, il me fallait attendre trois, parfois quatre ans etc pour le revoir”) alors qu’aujourd’hui, génération numérique oblige (DVD et internet), le temps de cerveau disponible se lilmite à une ou deux scènes réussies par film. En gros, les gens sont allé voir en masse Matrix pour deux scène, et ont crié au chef d’oeuvre. Voilà. Et maintenant, ils se font des best of des meilleurs scènes de films, à porté d’un clic sur youtube. Plus de temps de projection. plus d’expérience, et surtout, plus aucuns souvenir sur lequel se formulait la pensée cinéphile. Putain. Et dire qu’une fois encore, je suis nostalgique d’une époque que je n’ai même pas connue. Toujours est-il que si les films de Carpenter fonctionnent autant, c’est parce qu’ils ont été conçu dans ce sens, pour un temps de projection donné. Ne serait-ce que le montage de Prince of Darkness, comment il nous fait éprouver la durée, son climax final… Sinon, en ce qui concerne ma vie sentimentale…

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