Mon TOP cinq des disques de Black Metal qui proposent une option alternative intéressante au tout venant. Cinq projets underground, autoproduits et originaux qui sortent clairement des sentiers battus et rebattus du plus extrême des courants du metal extrême
Cette année a été des plus intéressante pour les fans de Black Metal. Il y a eu de bonnes grosses sorties, notamment l’excellent opus de MERRIMACK. Il y a également eu, en ce qui me concerne, de très belles découvertes et tout particulièrement de la part d’artistes qui sont venus au Black Metal, arrivant d’autres univers musicaux (je pense à COUTOUX et FERAL) et proposent une interprétation assez neuve et diablement (sic) envoûtante du Metal Noir. On notera aussi une émergence de la scène slave avec de plus en plus de projets issus d’Europe de l’Est, des Balkans et de Russie (KHRAGKH) et toujours une bonne dynamique du côté des scandinaves avec l’excellent premier disque du duo Norvégien KEISER. Mon TOP Cinq n’est pas classé par ordre de préférence, c’est seulement les cinq disques de Black parus en 2017 qui m’ont le plus marqué.
The Succubus de KEISER : Classique et efficace
Mikael Aasnes Torseth et Geir Marvin Johansen, originaires de Levenger revendiquent des influences variées allant du Folk Rock au Thrash en passant par le Blues et le Punk. Ces origines disparates insufflent à leurs création un climat particulier. La puissance dévastatrice d’un blast beat et d’un chant écorché sont compensés par la poésie langoureuse d’une guitare acoustique, de discrètes nappes de claviers ou de choeurs gospelisants. On pourrait craindre le cocktail aventureux, mais force est de constater que la bouture prend plutôt bien, le gang osant des sorties de route maîtrisée en gardant bien comme trame de fonds un Black Metal bien rugueux.
Ersatz de KHRAGKH : Il y a du nouveau à l’Est
Ersatz est le premier album de KHRAGKH, groupe formé en 2013 qui n’avait jusqu’à aujourd’hui sorti qu’une démo éponyme. Le nom du gang se prononce kra et signifie évanouissement en biélorusse, langue dans laquelle le disque est interprété. Ersatz est un disque avec un fil conducteur. Les sept pistes traitent de l’aliénation, la torture, l’esclavage, la mort, la guerre, la domination du gouvernement sur les opprimés. C’est un manifeste en faveur de la liberté et un appel à la rébellion.
Les chansons sont si bien ficelées qu’elles vous cueillent dès les premières notes et vous emmènent en voyage sans effort ni contrainte pendant les trente petites minute de l’album. La plupart des morceaux s’ouvrent avec un sample introductifs pour poser le contexte : gémissements masculins et féminins, bruits mécaniques d’engins de torture, souffle rauque d’une énorme bestiole. La musique quant à elle démarre sans introduction ni progression chromatique. Une seconde avant il n’y a rien, une seconde après vous êtes au beau milieu d’une instrumentation obsédante, comme un rituel. La batterie est mixée discrètement : le rythme de la grosse caisse est plus perceptible qu’audible, il vient battre dans votre tympan sans jamais prendre le dessus sur le riff répétitif qui se prolonge sur tout le morceau. Là-dessus, le chant geignard et plutôt aigu déroule sa litanie. C’est minimaliste (une guitare, une batterie), le mixage est au poil : le dosage entre instruments est parfait, l’espèce de reverb poussiéreux qui recouvre le tout est juste comme il faut, ni trop épais ni trop mince.
Helicoprion de COUTOUX : Darkwave option Metal
Si vous écoutez le reste du répertoire de ce français de Saint-Raphaël émigré à Chicago, vous êtes précipité dans un univers déjà bien dark mais tout ce qu’il y a de plus synthétique. Pas l’ombre d’un véritable instrument, uniquement des samples empilés sur des beat et des impulsions. Partant de là, vous pourriez vous demander si Hellicoprion est bien du Metal exécuté avec de vrais instruments en bois d’arbre. Vous pourriez penser qu’on n’entre pas dans le Black Metal comme dans un moulin et qu’un artiste qui s’est illustré dans une toute autre voie n’a rien à faire ici. Vous pourriez trouver cette démarche aussi suspecte qu’un réalisateur de pubs et de vidéo clips passant aux longs métrages. Et puis vous vous diriez que c’est exactement ce qu’ont fait Michel Gondry et Spike Jonze et que les gars font plutôt de la bonne came. Certes, le parcours de Mathias Coutoux n’est pas des plus orthodoxes mais plutôt que de mettre en doute sa sincérité, je vous conseille d’écouter ce qu’il veut raconter avec sa première incursion dans le Metal.
There is a Goddess in the forest de SANGUINE PLUIT : Raw, minimaliste, oppressante et envoûtant
Une batterie étouffée alternant mid tempo et tapis de double pédale, une guitare lointaine au riffing plus lancinant qu’une rage de dents, des nappes de claviers entêtantes avec des accords étirés pendant des siècles. Enfin, en guise de chant, un souffle de bête profond et inquiétant. La production est crue, crade à souhait, ajoutant encore un peu de brume à la musique. La recette est sensiblement identique d’un morceau à l’autre et les rares éclairs de saturation qui viennent déchirer le brouillard seront vécus comme une agression qu’on espère fugace. Car oui, on est bien à macérer dans le jus épais et collant de SANGUINE PLUIT. On perd ses repères, on oublie le temps qui passe.
Forever Resonating In Blood de FERAL : Du Black Metal, de la guitare Folk, la vie
Même si j’aime beaucoup ce qui précède, FERAL est mon gros coup de coeur de l’année. J.Feral est un guitariste canadien et FERAL est son projet solo de Black. La guitare est prépondérante dans ses compos. Tantôt acoustique, tantôt folk et bien sûr souvent électrique et saturée. Elle ouvre le bal sur la superbe ouverture acoustique “A Calling”. Elle ose de longues intros Folk avant une explosion de brutalité plus Black Metal que Black Metal (“Second Sight” et “As I Kneel Before Your Grave”) . Elle envoie des soli gorgés de feeling (“As I Kneel Before Your Grave”, “While Flowers Die”). Bref, il ne fait aucun doute que le disque a été composé par un gratteux de formation, qui touche aussi sa bille à la basse comme l’atteste le bel instru central de “The Purge”. Vous allez me dire, c’est bien gentil tout ça, mais il est où le Black Metal ? Rassurez-vous, il est bel et bien là, partout, dans les intervalles et les zones sombres. C’est encore la guitare qui abat une bonne partie du boulot, avec des riffs plus épais les uns que les autres, créant une lourdeur menaçante. Le chant est un cri aigu et douloureux quant à la batterie, elle est bloquée en mode blast beat, desservi par un son de caisse clair parfois un peu trop sec. Les ambiances sont sylvestres, on entend le vent souffler dans les sapins.
nb : J’ai emprunté une partie du texte aux chroniques que j’ai écrit pour ces cinq disques sur le webzine Metal Thrashocore.