WHISKY OR NOT WHISKY #33 / INTERPOL (MARAUDER)

En concert le 29 Novembre 2018 à Paris (Salle Pleyel), le groupe de rock indépendant Interpol vient de sortir son sixième album, Marauder. Produit par Dave Fridmann (MGMT, Mogwaï), ce nouvel opus marque un retour brut et presque primitif au Rock mainstream des années 2000. Le pilier du band, Paul Banks, renoue notamment avec des compositions grésillantes taillées pour le Live. Toutefois, ces treize nouveaux titres sont loin du Whisky on the rocks que représentait quinze ans auparavant Turn On The Bright Lights.

Il serait inutile de rechercher la perfection du premier LP de Interpol ou encore de Antics avec ce sixième disque. A l’instar de groupes comme The Strokes ou encore Foals, la bande à Paul Banks a (parfois) mal vieilli dans ce qu’elle propose dorénavant à son public.

Pourtant, Marauder nous fait très rapidement l’effet d’un « shot » de whisky comme l’avait provoqué Is This It de The Strokes au début des années 2000 (« The end has no end… »). Dans la globalité, nous y retrouvons des compositions enjouées et grasses qui suivent un ensemble linéaire et cohérent.

Dans Marauder, la basse s’efface très vite au profit des riffs de batterie percutants de Sam Forgarino et des accords vifs de gratte électrique qui sont joués par Daniel Kessler.

Ainsi, les trois premières pistes de l’album provoquent d’emblée une nostalgie addictive. Le premier titre, If You Really Love Nothing, nous replonge quinze à vingt ans auparavant, en surfant sur les codes et les critères d’un très bon titre Pop Rock. Dans la continuité, The Rover et Complications se la jouent « old school » pour le plus grand bonheur des adulescents que nous étions il n’y a pas si longtemps.

Néanmoins, et de manière générale, Marauder souffre aussi des défauts d’un LP qui tend à jouer sur une verve nostalgique et grasse. Comprenez : l’album n’est pas très bien produit techniquement parlant. Le son y est souvent brouillon, et il manque cruellement de clarté musicale. Dave Fridmann aurait gagné à peaufiner la post-production d’un disque pourtant entraînant.

Nous noterons notamment des titres plus forts qui se démarquent singulièrement. A la fois dansant et mélodieux, Mountain Child est l’une des chansons particulières de Marauder. Il en va de même pour Number 10 ou de Party’s Over qui conclue l’album de manière intense. Dans le réussi Stay In Touch (piste 6), Banks chante : « c’est ainsi qu’on fabrique un fantôme ». En Anglais dans le texte : « Watch how you break things you’ll learn the most/ Something about the one that negates hope/ Marauder chained of no real code ». Enfin, le morceau NYSMAW fait également son effet en évoquant la pop-star Prince que nous regrettons tous.

En synthèse, la nostalgie d’un bon album mainstream suffit à mon sens à sauver la production bâclée de ce Marauder d’Interpol. Sur un bon rythme, et par le biais d’une tentative de sonner « à l’ancienne », ce disque jouit d’une certaine unité sonore qui rappelle les soirées interminables d’errance dans les fêtes artificielles pleines de coke et de discussions crépusculaires. Banks, à lui seul, parvient à nous transporter sur les treize pistes de ce LP où la basse a disparu, et où le mid-tempo est roi.

De mon point de vue, la combinaison de tous ces ingrédients suffit encore à nous faire apprécier les bons whisky. En fait, Marauder sonne plus ou moins telle la madeleine de Proust des excellents TV On The Radio ou encore des vieux albums des Strokes : il rappelle le goût des Jack Daniels que tu prenais au comptoir quand tu avais vingt ans.

J.M

Marauder de Interpol (Matador)

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