L’hiver est souvent marqué par des albums de musique aux notes mélancoliques, aux sonorités dépressives et aux textes moroses. De ces thématiques, l’artiste britannique James Blake – downtempo au style post dubstep – s’en est fait une spécialité depuis presque dix ans. Chacun de ces LP sort effectivement au cœur de l’hiver, à grands coups d’instrumentales froides et étirées, voire glaciales. Après les très réussis Overgrown et The Colour Is Anything, ce jeune trentenaire introverti et timide sort son quatrième disque, Assum Form.
Les albums de James Blake sont loin d’être gais. Ils sont le résultat d’un Moi existentialiste angoissé et tiraillé par la peur de réussir. Ce sont de petites pépites auto-centrées fondées sur la propre souffrance de son créateur, à savoir James Blake lui-même.
Assume Form n’échappe pas à la règle, puisqu’on peut y compter 136 occurrences du pronom « Je » sur l’intégralité des douze titres de l’album. Or – et c’est bien là le problème – le style du chanteur/compositeur n’évolue pas – ou peu – depuis son premier album éponyme.
En fait, nous avons l’impression que James Blake, aussi brillant soit-il, s’enferme dans sa propre rhétorique sans jamais la surpasser ou sans même la renouveler. Comme le dit si bien le site Pitchfork, Blake semble « paralysé dans de vieilles habitudes, comme enfermé dans une cage musicale qu’il a lui même créée ».
Dans sa globalité – et bien que le LP soit plus proche de la Pop que des nappes électroniques lentes et étendues si chères à Blake – Assum Form est un album inégal. Alors que le premier morceau, éponyme, est dans la veine sublime et minimaliste d’un Retrograde, nous basculons bizarrement sur une chanson saupoudrée d’un mauvais auto-tune, Mile High (feat. Travis Scott et Metro Boomin).
Par ailleurs, cet opus est truffé d’expériences de ce style, abusant souvent d’un vocoder regrettable : en témoigne le titre Where’s The Catch en collaboration avec le rappeur André 3000.
De Tell Them à Are You In Love ? en passant par I’ll Come Too, l’album marque ensuite par sa propre redondance, tant dans les thématiques (la souffrance amoureuse et le manque de confiance) comme dans la signature musicale. Là ou le bas blesse est que la production a fortement chuté en qualité d’écoute, ce qui faisait pourtant une force chez Blake (je pense à des tracks comme CMYK ou Voyeur).
En bref, Assum Form laisse un sentiment mitigé à la première écoute. Les puristes se laisseront emportés tandis que les néophytes au genre passeront certainement leur chemin. Bien évidemment, cet album est à écouter lorsqu’on a un minimum de joie de vivre (dépressifs s’abstenir). Entre bourbon et whisky, James Blake doit (dans tous les cas) laisser tomber l’amertume de vivre pour s’essayer à autre chose. Je lui conseille notamment de se frotter à la colère ou à des enjeux plus politiques… Le mal-être poétique, ça va un temps…
J.M
Assum Form de James Blake (Polydor)