Augustine, en route vers la médecine

 

Si l’hystérie est un terme souvent employé pour caractériser la gent féminine, Alice Winocour en dresse un véritable portrait à travers Augustine, son premier film. Elle y met en scène la perturbante Soko et Vincent Lindon, le roc. La synergie fonctionne, et la réalisatrice se charge d’interroger la place de la femme : Autant discuté et discutable au XIXe qu’au XXIe. Et, on peut l’affirmer, si la misogynie fait encore parti de ce monde, « il n’y a pas mort d’homme ».

Augustine est l’histoire d’une jeune femme atteinte d’hystérie, internée à la Pitié Salpétrière. L’hystérie au XIXe siècle est un terme qui apparaissait très souvent, néanmoins, il est plus difficile de le diagnostiquer précisément. Si l’origine du terme, provient de la racine grecque utérus, son mode de fonctionnement et ses symptômes restent à prouver. Cela  s’exprime par des convulsions, épilepsie, spasme, paralysie. C’est un moment où le corps perd son contrôle et se dirige vers l’étrange univers des pulsions. Par conséquent, l’hystérie est souvent  liée au sexe (qui a j’espère, rien à voir avec l’hystérie dont est dotée votre mère.). Le professeur Charcot, intrigué par la belle Augustine, va la prendre en charge et s’en servir comme objet scientifique. Alors, Augustine sera-t-elle son cobaye ou sa muse ?

Au sein du film, tous les professeurs sont des hommes. Ils se chargent d’étudier cette maladie troublante, appelée l’hystérie. Mais, est-ce qu’ils y comprennent quelque chose? Au cours de son internement à la Salpetrière, Augustine est analysée par une assemblée d’hommes et jugée par leur regard.  Ils applaudissent à chaque crise pulso-orgasmique que le professeur déclenche, ou qu’elle simule,pendant les conférences publiques. Néanmoins, la comprendre et la considérer comme un être humain semble plus difficile. Elle se présente donc comme un animal de foire étrange, attirant, intriguant, et érotique, faisant les beaux jours du Docteur Charcot.

La cause de cette maladie naît souvent de frustrations. Dès l’ouverture du film, Augustine a une crise,  et cela, lors d’un échange de regard avec un homme. Symbole d’une impossibilité à assouvir ses désirs ? A cette époque où la sexualité était tabou, il n’est pas étonnant d’avoir eu de nombreux cas d’hystérie. La relation entre Charcot et sa femme (Chiara Mastroianni) symbolise le fonctionnement entre les hommes et les femmes où chacun doit rester à sa place. En effet, sa femme est mise en permanence à l’écart. Sa condition ne lui permet d’être l’égal de son mari. Au sein de cet univers cadré, les hystériques viennent fouetter les convenances, en exprimant la frustration que peut ressentir une femme. Alice Winocour interroge alors la peur et le désir que suscite une femme dans la société à travers le personnage d’Augustine. Sentiment encore partagé au XXIe siècle?

Alice Winocour semble se servir d’un film d’époque pour réveiller la question de la femme et de sa place dans la société aujourd’hui. En effet, elle fait écho à la société contemporaine en alternant sa fiction avec des interviews de vraies patientes, tout juste sorties d’hôpital psychiatrique. Elle mêle alors réalité et fiction pour donner corps à son film. Il n’est pas seulement question de la femme, mais aussi de la maladie, de cette frontière toujours poreuse entre « les normaux’ et « les fous ». Question posée dans vol au dessus d’un nid de coucou, ou encore Titicut folies de Wiseman. On ne s’en lasse jamais. Et puisque gent féminine et folie s’entendent parfaitement, place à Augustine. Au sein même du casting, les deux acteurs principaux sont atteints de légères pathologies. Entre Soko l’insomniaque qui carbure au Valium et Vincent Lindon atteint de tics compulsifs, lorsqu’il ne joue pas, la réalisatrice brouille la frontière entre maladie, docteur, acteur et patient. Tout le monde est atteint de quelque chose, et joue de ça. C’est le regard que la société porte sur l’individu qui détermine ce qu’il est et qu’il doit être.

Les plans s’enchainent sans prétention, d’une manière très fluide, avec élégance et laisse la place au jeu de ses acteurs.  Soko est remarquable dans ce rôle. Elle l’investit pleinement, se donne de manière brute, sans filet. Sa force et sa vulnérabilité surgissent et nous submerge. Si elle joue très peu car le métier de comédienne ne lui accorde pas assez de liberté, quand elle le fait, c’est par envie. Elle ne vient pas faire son actrice, elle se donne, comme elle l’a prouvé dans Bye bye Blondie de Virginie Despentes et A l’origine de Xavier Giannoli. On aimerait la voir plus souvent, mais sa rareté préserve sûrement l’essence de ce qu’elle est, pas une fille qui joue pour faire ses cachets. Face à elle, Vincent Lindon qui s’impose comme un bloc finit par lâcher prise, se laisser entrainer. Le film fait ressortir la faiblesse de ses personnages, sans craintes.

Augustine est divine. On attend donc avec une impatience non feinte, le deuxième film de Winocour.

 

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