La série animée crée par Raphael Bob-Waksberg et distribuée par Netflix dépeint les coulisses de la célébrité avec un ton bien cynique. BoJack Horseman, ancienne star d’un sitcom intitulé « Horsin’ Around », a vu petit à petit sa carrière s’éteindre. Vingt ans après, BoJack est devenu un vieux beau alcoolique, empêtré dans sa nostalgie et la peur de ne jamais plus être célèbre. Égocentrique mais très critique de lui-même, seul mais solitaire, BoJack regroupe à merveille les caractéristiques d’un personnage imparfait et réaliste que les contradictions enrichissent. La série mélange le fantastique (humains et animaux vivent ensemble en société) et la réalité de Hollywood (Mr.PeanutButter, personnage un peu simplet que BoJack ne supporte pas mais qu’il croise constamment parce que leur milieu l’exige).
La série se révèle beaucoup plus intelligente qu’elle ne paraît aux premiers abords. Certes, cette comédie se rabaisse parfois à des blagues un peu lourdes et joue sur les stéréotypes des animaux qu’elle met en scène mais nous ne sommes pas à l’abri des bonnes surprises.
C’est le cas de l’épisode 7 de le saison 2 intitulé « Hank After Dark » qui résonne drôlement avec l’affaire Bill Cosby. Diane, en pleine campagne de presse pour le livre de BoJack, s’attaque à la grande figure de la télévision, Hank Hippopopalous, accusé d’agressions sexuelles par toutes ses anciennes secrétaires. Diane énumère nonchalamment une longue liste non-exhaustive de personnalités réelles dont la carrière n’a pas souffert des accusations faites contre eux, comme Mike Tyson, Sean Penn, Josh Brolin, Christian Slater, Woody Allen et Bill Murray. Ces propos font polémique et très vite elle se voit mise en procès par les médias et le public qui l’accusent de vouloir ternir l’image de « Uncle Hanky ». En jouant sur l’exagération, l’épisode dénonce explicitement l’état d’esprit général lorsqu’une femme accuse un homme influent d’abus. L’écriture de l’épisode souligne la logique aberrante des médias et met en lumière quelques points clés de cette logique :
– le fait que le public ne veut pas avouer qu’une figure familière et aimée puisse être capable de faire du mal :
Diane – That’s exactly the problem. Because he’s so nice, people don’t wanna think he’s capable of awful things so they let him off the hook. (C’est exactement le problem. Parce qu’il est si gentil, les gens ne veulent pas penser qu’il est capable de choses affreuses et il est tiré d’affaire.)
Présentateur – We don’t know what happened. It’s a classic “he said, she said”. (On ne sait pas ce qui s’est passé. C’est un cas classique de sa parole contre la sienne.)
Diane – “He said, they said”, it’s eight different women. Are they all lying? (Sa parole contre leur parole, c’est huit femmes différentes. Mentent-elle toutes ?)
Femme invitée sur le plateau – I mean, probably. We do that. (Sûrement, on a cette tendance)
– Que la parole de l’agresseur bat celle de la victime. On voit à la fin de l’épisode Hank Hippopopalous interviewé par un présentateur télé et lorsque celui-ci l’interroge sur sa culpabilité, Hank répond seulement par la négative et l’affaire est close.
Grâce au format animé de la série comique et son potentiel énorme de commenter et parodier l’actualité, BoJack Horseman nous offre un épisode cinglant de réalisme malgré ses airs de comédie domestiquée et fade.
L’épisode se finit sur Diane à l’aéroport, désespérée et rejetée par le public, les médias et son propre mari, attendant son avion pour Cordovia. Un homme assis à ses côtés lisant un journal se tourne vers elle et lui dit « Souriez », cette fameuse injonction qui rabaisse la femme à un statut d’objet qui ne doit pas montrer sa souffrance. À la fin de cet épisode, la femme perd.
Il reste un goût amer dans la bouche du spectateur provenant du réalisme et de l’actualité de cet épisode, de l’impossibilité pour les femmes de se battre et de dénoncer les violences qu’elles endurent parce que le public ne veut pas voir la culpabilité d’une figure qu’il aime. Impact immédiat et pertinent.
Time Magazine a d’ailleurs nominé l’épisode « Fish Out Of Water » de la saison 3 meilleur épisode de l’année 2016. L’épisode quasi-muet représente véritablement un tour de force, Raphael Bob-Waksberg ayant même dû convaincre Netflix de le laisser faire ce pari osé. Jouant seulement sur les intentions et les non-dits, sur la musique et l’animation colorée du fond de l’océan, l’épisode est une réussite indéniable. Je ne sais pas pour vous mais je me trouve toujours un peu surprise de ressentir quelque chose de sincère devant un dessin animé… BoJack Horseman réussit cet exploit haut la main.
BONUS : Les voix des personnages interprétées par des pro : Will Arnett, Alison Brie, Aaron Paul, Lisa Kurdrow, Keegan, Joel McHale, Patton Oswalt, Maria Bamford, J.K Simmons, Margo Martindale, Olivia Wilde, Abbi Jacobson, Stephen Colbert, John Krasinski, Fred Savage etc….