Dark Shadows : hémoglo-has-been, ou pourquoi Burton en fait des tonnes

 

Souviens-toi, ami lecteur : il y a de cela une quinzaine de jours je m’apitoyais sur le dernier opus de Coppola, le charmant Twixt, le comparant à un film de Tim Burton réussi.  Pour ce second article, et pour rester fidèle à ma ligne éditoriale caustique axée sur le jeu de massacre, j’ai donc affûté mon plus beau stylo et je suis allée voir Dark Shadows.

Après le trou noir qu’Alice et Sweeney Todd avaient laissé là où se situe le bon goût dans mes critères personnels, je t’avoue franchement, cher lecteur, que je m’attendais au pire en entrant dans la salle. Il s’avère qu’être pessimiste est finalement un bon choix de vie, car soit je me fais vieille, soit les Burton précédents m’ont traumatisée à vie, mais quoi qu’il en soit j’ai trouvé Dark Shadows non pas meilleur, mais moins pire que les autres. Il n’en reste pas un Burton des années deux mille pour autant, donc vous ne serez pas étonnés d’apprendre qu’il est de facto assez médiocre.

Si vous avez eu le plaisir d’assister aux précédents opus du réalisateur mal coiffé, vous ne serez pas surpris, c’est comme d’hab : il y a une histoire farfelue exécutée de manière prévisible, il y a son acteur fétiche et sa meuf dedans, et il y a encore et toujours des créatures fantastiques malfaisantes sur le coup.  L’histoire de Dark Shadows s’articule autour d’une malédiction vieille de deux siècles pesant sur une famille d’origine britannique dans un village portuaire du Maine : ça sent le poisson, et Eva Green a quelque chose à voir là-dedans.

Comme il n’y en a pas beaucoup, je vais commencer par les points positifs. Que l’on aime ou pas le genre, on ne peut nier le travail impressionnant de mise en scène de ce réalisateur et le prestige de ses ambiances gothiques : forêts séculaires plongées dans la pénombre, falaises suspendues au-dessus de rochers menaçants, mer déchaînée et écume couleur d’encre : dans le domaine des ombres sombres (passion redondance), il est indéniable que Tim Burton est un maître. Quand il fait nuit, tous les chats sont gris et le spectacle est relativement regardable. C’est quand le jour se lève que ça se complique : Johnny le vampire doit se tartiner de fard, les vannes tombent à plat, et le surjeu des acteurs se remarque nettement plus en lumière naturelle.  Essayant d’insuffler un air de renouveau dans ses thématiques éculées faites de goules millénaires et de sorcières en corset, Burton a décidé de planter son héros au milieu des hippies des années 70, comptant ainsi sur l’effet humoristique d’anachronismes cocasses et autres quiproquos causés par le choc générationnel. Quand c’est Chloe Moretz en ado flower power, ça passe. Mais quand Barnabas « Dracula » Collins fornique avec sa sorcière d’Eva-Blonde-Green sur un air de Barry White, comment dire… cela relève du pathétique. Ajoutons à cela la présence de la fameuse Elena Bonham Carter, si fatigante dans son sempiternel rôle burtonien de femme étrange, perchée et bavarde, que le sort funeste qui l’attend ne peut que provoquer chez le spectateur aguerri un soupir de soulagement.

A mi-chemin entre le lugubre et le grotesque, Dark Shadows est un film que j’aurais trouvé certainement très divertissant si j’avais eu douze ou treize ans : c’était en 1998, et il paraît qu’à cette époque Tim Burton faisait encore des bons films. Aujourd’hui, j’en ai vingt-cinq,  ses Sleepy Hollow et autres mains d’argent semblent bien loin, et lui semble ne pas avoir décidé ce qu’il voulait faire, en fin de compte, de sa dernière création. Comédie gothico-potache et gags à base de vomi ? Conte burlesque ? Drame existentiel pour daltoniens ? Quelle que soit la décision que le réalisateur ne semble pas vouloir prendre, je lui suis reconnaissante pour un point : au moins, ils ne chantent pas.

Je suis venue, j’ai vu, j’ai survécu. Mais on ne m’y reprendra pas. En fin de compte, la seule chose qui fait vraiment peur dans Dark Shadows, c’est le front de Michelle Pfeiffer, immaculé et impassible tel un vampire botoxé de 200 ans.

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