Comment survivre au monde adulte ? La trilogie pop & fantastique de David Robert Mitchell

Inédit en salles chez nous, le premier film de DRM débarque sur nos plateformes. Voici ses trois œuvres, comme les niveaux d’un terrain de jeu unique : notre monde.

Xavier Dolan n’est pas le seul cinéaste à avoir marqué de son empreinte la décennie 2010-2019. D’une manière plus ponctuelle, mais tout aussi intense, un autre réalisateur nord-américain a éclos au début de cette période, pour la peindre ensuite de ses angoisses et désirs.

David Robert Mitchell a grandi dans la banlieue de Détroit. Il étudie en Floride avant de déménager à Los Angeles où il monte des bandes-annonces. Pendant 4 ans, il écrit, réunit les fonds et tourne son premier long-métrage. La vie, ses rites, ses jeux et ses codes l’inspirent. En particulier le passage mouvementé à l’âge adulte, cette époque où rien n’est sûr mais où tout reste possible.

Niveau facile : The Myth of the American Sleepover (2010 – disponible sur Amazon Prime Video)

Pas de panique : le sleepover du titre n’est qu’une banale “soirée pyjama”. Une nuit qu’on imagine girly, pleine de rires et résolument tournée vers l’enfance. David nous surprend en révélant le côté mélancolique et inquiétant de ces nuits d’ivresse : tout d’abord, elles concernent les garçons aussi bien que les filles, même si ces premiers ne les “appellent pas comme ça”. On se réunit, on s’alcoolise, on se frôle, on se cherche. C’est une banlieue, c’est une nuit. Bientôt la rentrée, le college pour les uns, l’université pour les autres.

The Myth… est un film simple et cotonneux, doucement hanté par la peur du lendemain. Quand on ne veut pas dormir car on sait qu’on se réveillera un peu plus vieux.

 

Niveau difficile : It Follows (2014 – disponible sur myCanal)

Quelques années passent et des premières rencontres naissent les premières vraies angoisses. De l’Amour surgit la Mort, le néant innommable, inattaquable. Rien à faire, juste à fuir : si tu couches, tu te retrouves poursuivi par un inconnu maléfique et polymorphe, jusqu’à ce que mort s’ensuive ou que tu refiles la bête à quelqu’un. Cette malédiction que l’on se transmet par l’acte sexuel n’est pas qu’une métaphore évidente. C’est aussi la peur panique de ne pas être à sa place, de n’avoir rien à transmettre sauf le chaos. Les ados de David tentent de vaincre le mal éternel et s’entraident pour ne pas succomber.

Un souvenir de terreur blanche au cinéma, notamment avec la scène ci-dessous qui n’a peut-être l’air de rien sur un écran d’ordinateur, mais restera gravée dans ma mémoire de spectateur. En plus de son ambiance nonchalante et inquiétante, ce slasher pas comme les autres bénéficie d’une B.O. absolument incroyable de Disasterpeace, compositeur notamment connu pour ses musiques de jeux vidéo (Fez).

 

Niveau expert : Under the Silver Lake (2018 – disponible en VOD)

Installés dans nos appartements, nous voici loin des rivages adolescents. Vraiment ? Le héros de ce film noir mâtiné de stoner movie (film où le/la protagoniste est passablement défoncé.e) passe le plus clair de son temps à fantasmer sur sa voisine tout en mangeant ses céréales. Quand celle-ci disparaît, c’est tout un monde de la nuit qui s’ouvre à lui. Un monde de codes et d’énigmes que l’on cherche à percer à jour, sans savoir si la solution nous sauvera ou nous achèvera.

Sous le regard confus d’Andrew Garfield, Los Angeles est un vaste labyrinthe où devenir adulte amène à se prendre de plein fouet les révélations les plus inquiétantes. Ce film mortifère mais pas pessimiste convoque les fantômes du passé, les icônes de la pop culture, les géants de la chanson et du cinéma… et en fait un mausolée à la gloire de notre civilisation perdue. Il est temps de réhabiliter ce film passé sous le radar, ce que se sont empressés de faire de nombreux et talentueux Youtubeurs.

Comme la plupart des cinéastes en activité aujourd’hui, on retrouvera David Robert Mitchell aux commandes d’un film de super-héros : “Heroes & Villains”. En attendant, redevenez adolescents : sa trilogie vous attend.

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