On s’est entretenu avec Marie-Line Calvo, programmatrice du festival Terres du son pour comprendre un peu comment ça fonctionne un festival.
Un programmateur.rice a un boulot assez important. C’est lui qui contacte, deal les contrats avec les artistes. Il fait des choix des groupes, organise le line up afin que le festival soit une réussite sur le plan artistique. C’est donc super intéressant à comprendre et on remercie Marie Line Calvo d’avoir répondu à nos questions.
Pouvez vous me présenter la programmation du festival Terres du son ? Quelles sont les petites découvertes, les pépites de cette édition ?
La programmation de Terres du Son se situe toujours à la croisée des styles. Elle se veut éclectique, entre popularité et originalité. Popularité avec des artistes comme Angèle, Thérapie Taxi, etc… et originalité avec des artistes “découverte” qu’on ne retrouve pas partout comme Jambinai (math rock sud coréen), Ajate (Afrobeat japonais), etc… La volonté est d’offrir un concentré musical de ce qui se fait à cet instant et qui mérite d’être découvert. Une sorte de photographie musicale de la saison 2018/2019. Les découvertes sont nombreuses cette année car cela fait partie de notre volonté, de promouvoir cette scène invisible aux yeux du grand public, locale, nationale et internationale, qui fourmille et est hyper dense. Je pense particulièrement à Péroké (notre fierté locale) et Oktober Lieber (duo féminin à la techno froide) et encore plein à découvrir sur notre site.
Je cherche avant tout à raconter une histoire dans laquelle le public est totalement acteur. L’idée est de monter en intensité certes mais pas forcément avec un parcours fléché et qui coule de source : pop / rock / electro. Ce qui est important pour moi, c’est le groove, la musique à danser ou surprenante. Que le public ne reste pas indifférent. Généralement, chaque journée est organisée autour de l’artiste-phare du jour. L’idée est de proposer plusieurs styles en gardant une cohérence, en ne rompant pas le fil de l’histoire…
Il peut m’arriver de travailler en direct avec les groupes mais la majorité du temps c’est avec un intermédiaire que je traite, à savoir leur tourneur. Quant aux autres festivals, il m’est arrivé de faire des offres groupées, oui, mais c’est plutôt rare. Par contre, en tant que festival indépendant, nous sommes très connectés avec les festivals “copains”. Terres du Son fait partie d’une fédération qui s’appelle DeConcert et qui rassemble plus de 20 festivals (Dour, Eurockéennes, Marsatac, Les Vielles Charrues, Les 3 Eléphants, Les Rockomotives, Sakifo, Les Nuits Sonores, Art Rock, Génériq, Sziget, etc…).
Il est toujours intéressant d’aborder avec eux ces questions liées à l’artistique mais aussi au territoire, à la concurrence etc…Nous discutons des artistes qui ont de l’actualité, de certaines problématiques liés aux développement durable, à l’accessibilité etc… valeurs que nous défendons et qui nous sont chères.
C’est un peu incompréhensible pour moi “les gros et les indé”. Car certains tourneurs sont gros ET indé. Il est avant tout question de personnes et donc d’affinités. Il est clair que j’ai tendance à défendre les projets indé, qui défendent une certaine vision du métier qui correspond certainement à la mienne. Par contre, il est compliqué de s’interdire de faire un artiste car il n’est pas chez le bon tourneur selon nous. Je pense qu’il faut savoir faire la part des choses et essayer de rester le plus cohérent dans ses choix pour le public.Quant au duel des gros promoteurs comme vous dites, c’est une question difficile. Il y va aussi de la responsabilité du public. Les modes de consommation ont changé. Les gens ne vont plus aux concerts avec ce sentiment d’appartenance à un groupe, en ayant envie d’affirmer ou de défendre quelque chose. J’ai l’impression que c’est de plus en plus “à la carte”. On vient, on consomme ce qu’on veut, on repart. Je pense que les festivals comme le nôtre ont le devoir de réaffirmer leur identité, leur ancrage territorial et leur importance dans le paysage français. D’où l’importance de l’éco-festival, de proposer de la nourriture en circuit court, des bières artisanales etc… Ce sont des lieux de fête mais pas que ! Ce sont aussi des lieux d’échange, de rencontres, de débat, de découvertes ! Il faut que le public s’empare aussi de cette question et qu’il défende également son identité. Penser à demain et à ce que nous avons envie d’avoir sur notre territoire. C’est un travail à mener de front et collectivement. Mais je pense que c’est une question plus générale, qui est aussi liée à nos choix de vie, à la façon dont nous avons envie de voir le monde évoluer. Tout est lié. La musique a toujours accompagné les grands changements sociaux. Il est temps de réaffirmer notre identité et de défendre la singularité de nos festivals indépendants. C’est important.
Pour une édition 2019, j’y pense dès la fin de l’édition 2018 ahah ! Je me projette déjà et m’interroge sur la disponibilité de certains grands artistes. Ensuite, j’attaque dès la rentrée de septembre et ce jusqu’au bout (Fin mars pour cette année) C’est un travail de longue haleine dans lequel il faut savoir se réinventer tout le temps. Je pense qu’il faut avoir beaucoup de ressources et d’idées. D’ailleurs ce qui me fait peur parfois, comme l’angoisse de la page blanche pour l’écrivain, ce serait la panne d’inspiration pour les programmateurs. Même si la source est finalement inépuisable. La programmation que nous imaginons est toujours idéale et jamais celle que l’on a au final..C’est un peu l’ascenseur émotionnel comme métier. On passe de la déception à la joie en 2 minutes, ahah ! Mais nous sommes toujours fiers de défendre notre programmation et ravis d’accueillir tous ces artistes !