Epileptique

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Tu émerges d’un état étrange. Tu es resté là, peut-être une heure, les yeux mi-clos, plongé dans une douce léthargie, enveloppé dans l’obscurité bleue du bar. Posé devant toi, ton café a refroidi et ta cigarette a grillé toute seule, posée contre le cendrier. Le front appuyé contre la large baie vitrée, tu as rêvé éveillé en regardant la ville en-dessous de toi, ses mille lampes dorées et blanches, ses tramways qui glissent silencieusement sur l’asphalte en gigantesques serpents d’acier. Tu as fait un de ces rêves où l’âme s’égare dans un maelström de sens, où l’on rêve comme les fleurs, où l’on est conscient et inconscient à la fois.

Le songe ne semble cependant pas finir dans cette bulle de verre tandis que la réalité se raconte quelques mètres plus bas, sur les pavés humides et dans l’air froid de la nuit. Il fait chaud ici, on y est mieux parce que l’hiver n’y est pas entré.

La brume que la torpeur a jetée sur tes paupières ne s’est pas encore évaporée et tu te complais dans cette illusion. Au milieu de la piste improvisée entre deux tables, sous une petite boule disco vieillie, des corps débiles ondulent sensuellement dans la pénombre. Et elle est là, encore. Elle te regarde, non, elle te dévore des yeux. Elle n’attend que toi, cette chimère trop fardée et enroulée dans une robe trop pailletée.

Tu te lèves, la chaise racle le parquet. Tu as l’impression que tout se passe en accéléré autour de toi alors que tu t’avances vers elle, passes un bras autour de sa taille et plaques ta bouche avide contre la sienne. Le gloss colle un peu sur tes lèvres, mais tu t’en fous. Tu sens son sourire contre ta joue, ses hanches se coller à tes hanches, son ventre se frotter lascivement contre le tien. Et tout se brise.

Des clins d’œil lancés, des baisers volés ; retour au réel et à sa déconcertante banalité. Et toujours ce même rituel stupide de regards, de gestes pour signifier que l’on s’attire, que l’on se plaît, que l’on veut sans rien dire. Brouillard de lumières, d’ombres, de couleurs et de sons ; c’est l’épilepsie.

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