Jules Verne, écrivain, voyageur et punk

Non, je n’ai pas encore lu tous les grands classiques de la littérature française. Sans quoi, je ne serais pas au chômage, et j’aurais viré François Busnel et Augustin Trapenard pour prendre leurs places à la Grande Librairie. Ceci étant dit, je rattrape petit à petit mon retard de lecture, en alternant romans contemporains et chefs-d’œuvre. Et justement, j’ai profité des fêtes et d’un séjour au bord de l’océan atlantique pour m’attaquer à « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne. Je casse tout de suite le suspense : j’ai adoré !

Il y a une chose importante à comprendre lorsque l’on parle de littérature : c’est le seul art pour lequel le spectateur, le lecteur en l’occurrence, participe à l’œuvre. Tarantino m’impose sa vision du Hollywood de la fin des années 60 dans « Once upon a time… in Hollywood » ; Picasso en fait de même pour la guerre d’Espagne avec son tableau « Guernica » ; Enfin, Mozart évoque la mort dans son « Requiem » sans que je ne puisse agir en quoi que ce soit. A l’inverse, l’auteur d’un roman va me décrire des paysages, des personnages ainsi que des actions, mais c’est à moi, lecteur, de les imaginer, de leur donner vie dans ma tête.

« Tout livre a pour collaborateur son lecteur. »

Maurice Barrès

Voilà pourquoi il est important de bien choisir son moment, sa disposition d’esprit, voire sa situation géographique lorsque l’on opte pour telle ou telle lecture. Je déconseille par exemple le livre « Les survivants » de Piers Paul Read pour un voyage en avion. De même, il faut éviter de poser les yeux sur « La cloche de détresse » de Sylvia Plath quand on est dépressif. Or à l’inverse, un séjour d’une semaine sur les plages girondines, par un doux hiver, n’est-il pas parfait pour lire « Vingt mille lieues sous les mers » ? La qualité d’un livre, aussi bon soit-il, dépend effectivement beaucoup de l’épisode de vie durant lequel il est lu.

Le livre
Merci de noter la superbe qualité du montage photo du bouquin de Jules Verne (il ne me viendrait pas à l’idée d’abimer mon livre en le posant sur la plage de Lacanau).

Il faut savoir que ce livre de Jules Verne est une commande de Hetzel, son éditeur. Celui-ci était spécialisé dans les ouvrages scientifiques et voulait toucher un plus large public, en vulgarisant la science, par le truchement du romancier. En gros, l’auteur avait les mains libres concernant son histoire, à cela près qu’elle devait évoquer les connaissances géographiques, les progrès et les découvertes du 19ème siècle, notamment dans le milieu marin. Et Jules Verne, tout en respectant le cahier des charges, en a fait un véritable chef-d’œuvre.

« Rien ne s’est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée »

Jules Verne

L’idée de départ est géniale et complètement punk avant l’heure. Le roman raconte la vie de Nemo, un homme qui refuse la société des hommes et qui décide de la quitter en construisant un gigantesque sous-marin, 100 % autonome, qui va parcourir les mers et océans du monde sans jamais remettre les pieds sur la terre ferme. Bon alors il faut que je précise que Jules Verne ne s’est pas trop emmerdé avec le réalisme et la faisabilité technique du truc hein… Le submersible en question est un gigantesque édifice peuplé de plusieurs dizaines de personnes, doté notamment d’une bibliothèque de 7000 ouvrages, d’un musée scientifique et artistique, d’un salon, d’une salle à manger, etc. Ajoutons à cela que le sous-marin est aussi rapide qu’un saumon en fuite, qu’il fonctionne à l’électricité sans que l’on ne sache trop comment et qu’il est plus solide qu’un coffre de la Banque de France.

Mais passons sur ces quelques invraisemblances, nous sommes dans un roman d’aventure après tout, merde ! Le capitaine Nemo embarque donc dans son « Nautilus » avec notamment un scientifique et un harponneur qui sont les personnages principaux du roman. Et ensemble, sous la plume narrative et experte de Jules Verne, ils nous entrainent dans des pérégrinations aux grés des eaux et des dangers que les océans réservent. C’est absolument passionnant et l’on meure d’envie de les rejoindre, non seulement pour contempler les beautés sous-marines préservés des déchets plastiques à l’époque, mais aussi pour fuir ce monde peuplé de capitalistes abjectes, pollueurs sans vergogne et assoiffés de pouvoir. Ce livre est un voyage dépaysant, une bouffée d’air pur, un moment d’évasion jouissif.

Jules Verne est un indéniable précurseur des écrivains voyageurs qui sillonneront les 20ème et 21ème siècles. Il a posé le premier jalon et les Sylvain Tesson, Mike Horn, Nicolas Vanier, Patrice Franceschi, ou Nicolas Bouvier notamment, lui ont emboité le pas en s’en inspirant très largement. Je vous conseille d’ailleurs vivement de lire chacun d’eux, et si ce n’est déjà fait, de vous plonger dans l’univers de leur illustre ancêtre.

Objet sur le sable

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