Je songe posément aux choses de la vie. Je m’égare. La porte dérobée, située un peu plus loin, m’emmène au-delà des regards affluents fixant la devanture. Dans l’arrière-boutique de mes pensées, j’aborde dans un débarras, où trônent broutilles et autres bric-à-brac, quelques souvenirs qui traînent. A peine ai-je la place pour marcher. Au fond de la pièce, là tout droit, une étagère, sur laquelle repose un coffre un peu vieillissant. Dans un silence monacal, j’enchevêtre, ici et là, des micmacs et autres réminiscences, au milieu desquels quelques feuilles immobiles respectent la gravité par la poussière abondante. Mes pas fréquentent ce parquet grinçant. A l’approche du coffre, le temps se cristallise. Je sais ce qui s’y cache.
A l’ouverture, il réveille dans un sursaut mes amours naissantes. Ces filles qui acquiescent dans mon oreille ; des baisers langoureux, des moments de tendresse, des soupçons de maladresse, et moi criant, priant que cela ne cesse. Nous, à s’étreindre, des nuits pendant, longuement, parcourant notre ciel, je me vois courir le long des quais où s’arrêtent nos rêves. Nous à se feindre, des nuits durant, lancinant, accourant à un autre sel, je me vois sourire le long de la baie où s’affrètent nos lèvres. Je me souviens de ce temps qui file, et de ces moments qui parviennent à nous faire jazzer. Il nous échappe malgré nos aversions.
Et moi, aujourd’hui, dodelinant sur un rock-in-chair, ordinaire, je revis mes histoires d’antan. Et moi vieillissant, les traits tirés, repensant à ces instants volés de la vie, emportés par le temps. En émoi, repensant à ce bonheur apparent, en arrière-plan, bien loin, maintenant. Moi, désormais, je m’apprête à mourir. Je quitte un monde magique pour en rejoindre un autre. Des souvenirs ancrés sous mon crâne. Éternellement.
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